Synopsis : C’est l’histoire de la famille Chandler, famille de classe ouvrière du Massachusetts. Après la mort subite de Joe son frère ainé, Lee devient le tuteur légal de son neveu. Lee doit faire face à un passé tragique qui l’a séparé de sa femme Randi ainsi que de la communauté où il est né et a été élevé.
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Le troisième long-métrage de l’américain Kenneth Lonergan, Manchester by the sea s’avère être la quintessence de ce que le cinéma indépendant américain peut offrir de mieux. À savoir, une écriture qui donne la part belle aux personnages. Une étude de caractère aboutie qui se refuse à tout manichéisme et qui tente de trouver le point d’équilibre entre un réalisme poignant, c’est-à-dire la capacité d’inscrire des personnages dans un contexte social précis, sans pour autant oublier leur dimension romanesque. L’écriture scénaristique est à ce titre un pur régal : les personnages ainsi que les dialogues sont d’une grande intelligence ; la mise en place des flashbacks, sous forme de souvenir, et leur rapport avec l’instant présent tisse parfaitement les relations entre chaque personnage. Il y a chez Lonergan une rigueur d’écriture impressionnante. La mécanique scénaristique atteint parfois une telle perfection que le filmage apparaît par moments dissonant ; la mise en scène a tendance à surligner le drame. Il n’y qu’à voir le rôle dévolu à la musique : un répertoire magnifique et foisonnant qui rend ses vertus à la musique classique. Mais alors que le drame se noue et se resserre lors de purs moments de tragédie, Lonergan est amener à surcharger via un choix de travelling, une note musicale ou même de plans sur une mer agitée. On a parfois le sentiment que Lonergan veut faire plus qu’un drame sur la perte, qu’il ambitionne de créer une œuvre totale et absolue, sorte de synthèse de tous les arts – visions picturales de l’architecture et de la géographie du Massachussetts, Bob Dylan côtoie ici une sonate d’Haendel, le romanesque s’invite dans la tragédie. Ce sont pourtant les scènes intimes et les plus basiques que le cinéaste touche juste et loin. Mais qu’importe. Les personnages, supportés par un casting formidable (Casey Affleck, Kyle Chandler, Michelle Williams, Lucas Hedges), possèdent tous leur zone d’ombre et de lumière. Jamais l’une prend le pas sur l’autre.
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Alcoolique et violent, Lee Chandler (Affleck) vit dans l’ombre de son défunt frère, Joe (Kyle Chandler). Père aimant, frère protecteur, citoyen avenant, Joe possédait de bien belles vertus humaines mais celles-ci étaient sûrement trop écrasantes pour sa propre fratrie, Lee et Donny. Ce dernier est partie vivre dans le Minnesota. Sa mort a laissé un vide que personne n’est en mesure de remplir. La fonction apparaît bien trop prestigieuse et lourde pour quiconque, en particulier pour Lee qui survit avec le pire des traumatismes sur la conscience, des « fantômes » qui ne cessent de ressurgir. Quant au fils de Joe, Patrick (Lucas Hedges), désormais jeune homme dans la fleur de l’âge, celui-ci lie une toute nouvelle relation avec son oncle, chacun tentant d’aider l’autre à exorciser son mal-être. La lumière provient de cette rencontre, d’une amitié mi-paternelle mi-fraternelle qui, malgré les aléas de la vie, produit un élan sublime, de nouvelles aspirations. Avec Manchester by the sea, Lonergan signe un beau film de personnages dans la plus grande tradition américaine ; un drame sur le deuil, la longue et solitaire reconstruction post-tragédie. La voix et le regard de Casey Affleck, l’un des acteurs les plus introverties du cinéma américain, et prétendant sérieux à l’Oscar, donnent une présence physique et mentale absolument remarquable à ce personnage souffreteux et insociable dont la force de caractère et l’humanité se dissimulent derrière cette (fausse) fragilité.
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- MANCHESTER BY THE SEA écrit et réalisé par Kenneth Lonergan en salles le 14 décembre 2016
- Avec : Casey Affleck, Michelle Williams, Kyle Chandler, Lucas Hedges…
- Production : Matt Damon, Gigi Pritzker, Chris Moore, Kevin Walsh, Lauren Beck, Kimberly Steward…
- Photographie : Jody Lee Lipes
- Montage : Jennifer Lame
- Décors : Ruth de Jong
- Costume : Leissa Toth
- Musique : Lesley Barber
- Distribution : Universal Pictures
- Durée : 2h15
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