Synopsis : États-Unis, début des années 1960. Trois amis, Danilo, David et Tom sont amoureux de la même femme, Georgia. Tous les quatre sont jeunes, étudiants, et l’avenir semble plein de promesses. Leurs vies vont cependant différentes directions alors que l’Amérique traverse une incroyable décennie, entre flower power et assassinat de Kennedy, guerre du Vietnam et mouvement des droits civiques.
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À l’initiative de Rimini Éditions, Georgia d’Arthur Penn sort en vidéo le 28 mars. L’occasion de (re)voir une grande d’œuvre oubliée du réalisateur de Bonnie and Clyde, La poursuite impitoyable et de Little Big Man. À l’époque du tournage en 1981, Arthur Penn avait délaissé le cinéma pour se consacrer à la mise en scène théâtrale. Son inspiration avait été un peu émoussée par un état semi-dépressif marqué par les attentats de Munich et l’affaire du Watergate. Il n’avait donc pas réalisé de film depuis Missouri Breaks en 1976. Georgia est à la fois une profonde histoire d’amitié (d’où le titre orignal plus explicite Four Friends), une passion amoureuse manquée et une peinture très juste sur les rêves de la jeunesse américaine dans les années 1960. Steve Tesich, scénariste et écrivain d’origine serbe connu pour ses romans à succès Price et Karoo, a mis huit ans à concrétiser son récit. Georgia possède d’ailleurs de nombreux éléments autobiographiques, notamment via le personnage de Danilo Prozor, incarné avec délicatesse par Craig Wasson (Body double), comédien talentueux à la carrière hélas trop instable par la suite. Mais aussi à travers la relation conflictuelle de Danilo avec son père, incarné par Miklos Simon, un homme désabusé du rêve américain, qui croit à la seule vertu du travail dans son usine de métallurgie. Ce personnage de père aimant mais rigide (dont le fils souhaite voir un sourire poindre sur son visage), permet une réflexion lucide sur le passage à l’âge adulte. Au fil de l’intrigue, fragmentée en séquences elliptiques, Georgia dresse un constat plutôt pessimiste sur le rêve américain. Si les États-Unis est vue d’abord comme une terre d’accueil bienveillante, c’est aussi un pays qui souffre de désillusions. Danilo apparaît dès lors comme le témoin des grands évènements : la guerre du Vietnam, le premier homme sur la Lune, l’assassinat du Président Kennedy, le Flower Power ou le mouvement de la communauté noire pour les droits civiques.
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L’œuvre et le ton oscillent ainsi constamment entre la tragédie et la légèreté. Le titre, Georgia, fait référence au prénom de l’héroïne, incarnée par Jodi Thelen, et à la chanson de Ray Charles que l’on entend en file rouge. L’actrice peu connue est extraordinaire dans le rôle de cette jeune femme pleine de vie qui ambitionne une carrière de danseuse à l’instar d’Isadora Duncan, son idole. Mais elle va peu à peu connaître le désenchantement face aux évènements douloureux et aux épreuves de l’existence. L’œuvre de Penn met donc constamment en parallèle l’intime et l’Histoire des États-Unis de cet époque. Le récit démarre sur la relation entre Georgia ses trois amis : Tom (Jim Metzler), David (Michael Huddleston) et surtout Danilo dont la passion folle et obsessionnelle débute sur une méprise. Par ses choix et son attitude, Georgia symbolise la liberté de la femme et l’émancipation sexuelle. Avec une dimension parfois absurde et composé de séquences surréalistes, le ton volontiers ironique rappelle parfois le cinéma de Woody Allen. Les séquences elliptiques créent constamment la surprise et l’inattendu, comme la scène du mariage avec ce père incestueux, interprété par James Leo Herlihy, auteur de Macadam Cowboy. On est pris dans les turpitudes des différents protagonistes, au point que Georgia nous donne le sentiment d’avoir assisté à un très grand et beau film américain.
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Si Arthur Penn s’entoure d’un casting de comédiens peu connus, il fait cependant appel à Ghislain Cloquet pour signer la photographie. Ce dernier a notamment travaillé avec Alain Resnais, Claude Sautet ou encore Robert Bresson. Par un savant jeu sur les couleurs, les détails et les lumières, il parvient à saisir l’authenticité visuelle des différentes époques traversées. Une véracité qui se retrouve jusque dans les dialogues des personnages qui emploient les expressions à la mode de l’époque. Mention également au comédien David Graf dans le rôle secondaire de l’ami malade de Danilo, gentiment obsédé et rêvant d’aller dans l’espace explorer la Lune. Sa présence furtive marque le récit d’une dimension tragique et lumineuse. La force de ce classique réside ainsi dans cette alternance constante entre émotion et humour, à l’image de l’hallucinante séquence de mariage précitée. Toutes ces différentes qualités font de Georgia une œuvre à la fois touchante, profonde et légère. On a peine à croire que ce bijou cinématographique ait pu tomber dans l’oubli malgré un bon accueil critique ; le New York Times l’avait justement décrit à l’époque comme une réussite à hauteur des grands films du réalisateur. C’est donc une très belle redécouverte que nous offre Rimini.
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DVD : Sans avoir bénéficié d’une restauration appuyée, la qualité de l’image de cette édition est tout à fait honorable et de bonne facture. Il en va de même pour le son, dont la version originale est à privilégier pour sa clarté. En guise de suppléments, le disque propose la bande originale et un segment de 30 minutes où Antoine Sire, auteur de Hollywood, la cité des femmes , raconte l’histoire du film d’Arthur Penn et du scénariste Steve Tesich. L’édition est agrémentée d’un livret de 12 pages tout aussi intéressant, également rédigé par Antoine Sire.
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- GEORGIA (Four Friends) de Arthur Penn, disponible en DVD le 28 mars 2017.
- Avec : Craig Wasson, Jodi Thelen, Michael Huddleston, Jim Metzler, Miklos Simon, Elisabeth Lawrence, David Graf, Scott Hardt
- Scénario : Steve Tesich
- Production : Gene Lasko, Arthur Penn
- Photographie : Ghislain Cloquet
- Montage : Marc Laub, Barry Malkin
- Décors : Robert Drumheller
- Costumes : Patricia Norris
- Musique : Elizabeth Swados
- Edition : Rimini Editions
- Tarif : 14,99 €
- Durée : 1h55
- Sortie initiale : 11 décembre 1981 (États-Unis)
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