Le Grand Prix de cette 19e édition du Très Court International Film Festival, en partenariat avec CineChronicle, a été décerné à A Magician de Max Blustin. La Compétition internationale 2017 a fait montre de qualité et d’éclectisme pour des projets du monde entier.
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Qui peut le plus peut le moins. Nombreux sont les festivals et manifestations à valoriser le format court. Il peut être un bon exercice mais également une œuvre à part entière qui se gorge de sens et trouve sa substance dans le peu de minutes où il tente de nous capter. La performance du Très Court International Film Festival va plus loin, proposant des films n’excédant pas 4 minutes. La nécessité d’aller à l’essentiel s’impose donc, tandis que 150 films sont sélectionnés et répartis dans plusieurs catégories.
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Le Très Court Festival, crée par Marc Bati il y a dix-neuf ans, permet également de jauger la température concernant les préoccupations ambiantes. Tout comme prendre le pouls d’une production audiovisuelle à l’international sur laquelle sans conteste l’actualité a son influence. Le jury présidé par Nicolas Boukhrief, réalisateur du Convoyeur ou plus récemment Made in France et La Confession, et d’autres professionnels du secteur partageaient d’ailleurs il y a peu leurs premières impressions.
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La précédente édition avait vu le sacre de The Magic Diner de l’Américain Niclas Larsson, avec Alicia Vikander et Anna Wintour. Cette année, c’est l’hypnotisant plan-séquence de A magician de Max Blustin (Royaume-Uni) qui rafle le Grand Prix et la somme de 1500 euros. “C’est exactement le genre de film que nous étions venu voir. Il arrive à tordre un espace-temps qui lui appartient en trois minutes et réussi à mettre de la poésie dans la chute” a expliqué Nicolas Boukhrief tandis qu’il remettait le trophée suprême, invoquant une inspiration au cinéma de Christopher Nolan. Le webchroniqueur Karim Debbache, également membre du jury, a complété cette analyse : “Blustin crée un hors-champ mental qui sert une justesse parfaite de la mise en scène”.
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UN PALMARÈS ÉCLECTIQUE
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Le premier prix décerné fut celui de Canal + pour son émission L’Oeil de Links. Il s’agit de Voltige, un film d’animation réalisé par Léo Brunel (France) et qui verra son oeuvre diffusée tous les lundis soir sur la chaîne en deuxième partie de soirée. Vient ensuite le prix de l’animation avec à l’unanimité du jury une distinction pour Poilus (France) de Guillaume Auberval, qui nous plonge dans les tranchées de la guerre 14-18, avec des lapins soldats perturbants de réalisme. Puis le prix de l’originalité, attribué à Anadir Contacto de David Oeo qui “remplace le manque de moyens par un travail sur le hors-champ très bien mené” selon Boukhrief. Il est à noter qu’exceptionnellement, le jury a accordé une mention spéciale, notamment à The Hall de Guillaume Blanchet (Canada) car souhaitant tout de même saluer la qualité de sa thématique centrée sur la crise du logement.
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FILMS ANIMÉS ET DÉRIVES TECHNOLOGIQUES
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Cette édition a fait la part belle à l’animation, avec de multiples films en stop-motion ou avec des effets numériques, dont la qualité et l’élégance sont à saluer en plus de celle de Poilus. À commencer par l’aérien Meanwhile (France), réalisé par les élèves de l’école ArtFx et que sublime la musique d’Allen Constantine. Darrel (Espagne) de Marc Briones au design très Pixar et nommé aux Goya 2017 dans la catégorie Meilleur court-métrage d’animation. Enfin, A Series of Untranslatable Words about Love (Canada) d’Andrew Norton est d’une beauté toute particulière puisqu’il propose une traduction du langage amoureux au travers de mots du monde entier dont la signification est intraduisible.
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Sur le modèle de la série à succès Black Mirror, qui met en scène les déviances des nouvelles technologies, la sélection comporte son lot de films critiques. Ainsi, le drôle Otherwise Engaged (Royaume-Uni) d’Alicia MacDonald et Sandbox (France) de Damien D. Richard portent le constat terrifiant de l’usage que la société fait des réseaux sociaux.
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Le festival est aussi l’occasion d’un regard engagé, comme avec Benditas Infancias (Espagne) d’Inaki Elizalde, qui met en scène deux frères jouant à la console dans le désert et qui interrompent leur jeu quand l’un d’eux est appelé par leur père pour tuer un homme comme s’il s’agissait d’une tâche quotidienne. Le film, sorti en 2016, a par ailleurs été présenté au Festival du Cinéma et des Droits Humains qui s’est tenu à Barcelone.
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UNE VISIBILITÉ ACCRUE
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Le Très Court International Film Festival permet dans un même temps aux participants, outre le fait de soumettre leur projet à un œil professionnel, de se faire connaître du grand public. La plupart des réalisateurs ont déjà posté leur film sur les plateformes de vidéos en ligne et ont déjà leur chaîne YouTube, comme Pierre Viguié (France), auteur de la série Docteur Suture réalisée en stop-motion et qui en propose ici un épisode, Le materné. Mais aussi Juan Trueba (Espagne), qui présente Couchsurfing dans lequel joue Nico Romero, actuellement à l’affiche de Las Chicas del Cable sur Netflix.
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Certains projets ont déjà rencontré le succès sur les réseaux sociaux, comme le très satisfaisant Unsatisfying (France) de Parallel Studio, qui trouve écho chez beaucoup d’entre nous, ou l’incroyable Nobody Speak (Royaume-Uni) de Sam Pilling qui a déjà été vu plus de 546 000 fois sur Vimeo. My Invisible Mother (Canada) de Pascal Huynh, sélectionné au Toronto International Film Festival, propose un très court mais intense témoignage d’un homme orphelin à propos de la mère qu’il n’a jamais connu et illustré par des figurines de terre en stop-motion.
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Le ton se fait sérieux quand la forme prête au ravissement léger et inversement. Telle est la performance de nombreux films présentés dans cette Compétition internationale et dont les réalisateurs prouvent encore et toujours que le format court a autant de légitimité que le long métrage. Loin de servir seulement de rampe de lancement, il peut également être une fin en soi, une oeuvre à part entière. En cela cette dix-neuvième édition du Très Court Festival a rempli sa mission. On a alors hâte de voir le chemin que prendront tous ces films dans les mois à venir.
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PALMARÈS 2017
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GRAND PRIX (1500 euros)
- A magician de Max Blustin (Royaume-Uni)
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PRIX DE L’ANIMATION (500 euros)
- Poilus (France) de Guillaume Auberval
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MENTION SPÉCIALE
- The Hall de Guillaume Blanchet (France)
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PRIX DE L’ORIGINALITÉ (500 euros)
- Anadir Contacto de David Oeo (Espagne)
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PRIX DE L’OEIL DE LINKS pour une diffusion sur Canal+
- Voltige de Léo Brunel (France)