Synopsis : Pete Morgan vit dans une ferme isolée avec sa sœur Ellen et sa fille adoptive Meg, dont les parents ont disparu il y a quelques années dans des conditions mystérieuses. Il embauche comme aide de ferme Nath, un jeune homme qui tombe bientôt amoureux de Meg. Nath et Meg tentent de savoir quel secret se cache derrière la maison rouge, une demeure enfouie dans la forêt. Mais Pete leur interdit formellement de s’y rendre, en leur expliquant que cette maison est hantée…
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Delmer Daves n’est pas le réalisateur le plus célèbre de l’âge d’or d’Hollywood, loin s’en faut. Il a commencé comme scénariste pour Frank Borzage ou encore Leo McCarey avec notamment le script d’Elle et Lui, avant de passer à la réalisation en 1943. La Maison Rouge, tiré du roman de George Agnew Chamberlain, est son cinquième long-métrage d’une longue lignée qui comptera également Les Passagers de la Nuit, 3h10 to Yuma ou encore La Dernière Caravane. La relative célébrité de ce film, sorti en 1947, dans la carrière de Daves est sans doute dû à l’enthousiasme de Martin Scorsese à son endroit ; celui-ci le faisant figurer en bonne place dans son documentaire de 1995, Voyage à travers le cinéma américain. La Maison Rouge est considéré comme un film noir. Il en compte, en effet, toutes les caractéristiques : un méchant torturé et bigger than life, une fin tragique, une morale pessimiste… Sa toile de fond campagnarde pourtant, ainsi que certains de ses seconds rôles (le mauvais garçon des bois face au jeune homme courageux par exemple), le font par ailleurs lorgner du côté du western. Cette impression est renforcée par l’importance du décor naturel que constitue le bois de la ferme des Morgan, remplaçant pour l’occasion les allées sombres et luisantes de pluie des grandes villes américaines et leurs speakeasy en sous-sol. Pourtant, lorsqu’au début du film le jeune Nath découvre, hésitant, cet inquiétant territoire à la dimension presque mythique, c’est encore vers un autre genre que penche le long-métrage de Daves : le fantastique. On pense notamment à la trilogie La Féline, Vaudou, L’Homme-léopard que vient de terminer quelques années auparavant le duo de réalisateur/producteur, Jacques Tourneur et Val Lewton. Pour pallier, peut-être, la confusion des genres que pouvait laisser présager une telle bigarrure, Delmer Daves choisit de forcer le trait de l’archétype noir. Chaque détail de la mise en scène, de l’écriture à l’éclairage en passant par la distribution et la musique, participe à un ancrage de genre qui fait contre-pied à l’univers hybride du film.
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Edward G. Robinson livre une prestation parfaitement conforme à ce que l’on peut attendre d’un tel rôle – excellente mais sans surprise. Allene Roberts et Julie London composent l’opposition attendue entre la bonne fille vertueuse et la garce manipulatrice. Pour couronner le tout, Judith Anderson, sortie de Rebecca d’Alfred Hitchcock (1940), incarne encore une fois la présence taiseuse de celle qui sait mais ne dit mot. De la même façon, les détails du cadre et de la lumière présentent à plusieurs reprises la quintessence des acmés expressionnistes du film noir : les gros plans tout en clair-obscur, les contre-plongées abruptes et menaçantes… le tout accompagné des éclats soudain de l’orchestration de Miklós Rózsa. Chacun de ces détails s’accumulent pour donner une forme cohérente et efficace à l’ensemble, au détriment parfois du suspense. Les dialogues visent plus souvent à clarifier les situations qu’à faire vivre les personnages, et l’enjeu du film censé bénéficier d’un dévoilement progressif, est compris par le spectateur dès la première demi-heure. Ceci étant, il serait dommage de bouder son plaisir. Car si l’intrigue est moins haletante que ne pouvait le laisser espérer son sujet, c’est dans le soin apporté à chaque scène – chacune apportant sa pierre à l’atmosphère générale -, que le film finit par convaincre et, finalement, emporte le morceau.
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DVD : Cette nouvelle édition proposée par Rimini offre pour seul bonus un document de cinq minutes qui compile quelques informations que l’on peut aussi bien retrouver sur IMDb. Mais elle vaut avant tout pour la superbe restauration du film qu’elle propose, quand les précédentes éditions nous avaient habitué à un film presque défiguré.
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- LA MAISON ROUGE (The Red House) réalisé par Delmer Daves disponible en DVD depuis le 11 juillet 2017
- Avec : Edward G. Robinson, Judith Anderson, Julie London, Lon McCallister, Rory Calhoun, Allene Robert, Arthur Space, Pat Flaherty…
- Scénario : Delmer Daves, d’après le roman de George Agnew Chamberlain
- Production : Sol Lesser
- Photographie : Bert Glennon
- Montage : Merrill G. White
- Décors : McClure Capps
- Costumes : Frank Beetson, Jr.
- Musique : Miklós Rózsa
- Distribution : Rimini Edition
- Tarif DVD : 14€99
- Durée : 1h36
- Sortie initiale : (États-Unis) –
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