Résumé : Alfred Eibel est né à Vienne en 1932. Face au danger hitlérien, il s’exile avec toute sa famille à Bruxelles. Il est le créateur de la maison d’édition « Alfred Eibel » en 1974, à Lausanne, dans laquelle il publie des ouvrages de Jean-Pierre Martinet, Léo Malet, Georges Perros, Fernando Pessoa, Kenneth White et Yves Martin. Au bout de quelques années, il décide pourtant de rejoindre les éditions Flammarion, au sein desquelles il dirige la collection « Aspects de l’Asie ». Critique littéraire, Alfred Eibel collabore à de nombreux journaux, magazine ou revues. C’est également un grand cinéphile, ami de Fritz Lang. Il séjourne chez ce dernier, à Beverly Hills, en 1966 et le rencontre au gré des voyages du cinéaste entre Paris, l’Allemagne et les États-Unis.
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Le lecteur ne doit pas se fier à l’apparence de cet ouvrage dont le titre, très général, dissimule l’originalité de son propos. Ni monographie, ni biographie, le Fritz Lang d’Alfred Eibel, éditeur et critique littéraire d’origine viennoise, se réclame de la forme libre et éparse du souvenir. Condensé de réminiscences, l’ouvrage narre le récit d’une rencontre entre l’auteur et le réalisateur. Entre les poses photographiques et les réalités de l’homme, Eibel cherche à percer l’aura du cinéaste au monocle sans jamais céder aux fantasmes ou à une quelconque nostalgie. En 1966, à Berverly Hills, Lang a achevé, sans le savoir encore, sa carrière cinématographique. Ses derniers films, tournés en Allemagne, Le Tigre du Bengale, Le Tombeau hindou, et Le Diabolique docteur Mabuse marquèrent son grand retour au format du serial. À partir de son diptyque indien, dont Eibel note avec raison les accointances partagées avec la forme de la bande dessinée, se rappelle à la mémoire du lecteur les grandes heures de Lang : sa relation avec Thea von Harbou, ses collaborations pour la UFA, puis son départ pour l’Amérique. Au fil des pages, des rencontres (Jean-Luc Godard, Jeanne Moreau, Howard Vernon, Henri Langlois), et l’esquisse d’un portrait imparfait. Hanté par le spectre du genre féminin, le réalisateur répond d’abord aux attentes de son public, apparaissant en personnage intraitable, sorte de démiurge mabusien, Grand Commandeur du Septième Art. Mais, progressivement se dévoile une fêlure tout à la fois tragique et pathétique, les manières anachroniques de Lang le rapprochant de la Norma Desmond de Boulevard du Crépuscule. L’incompréhension du réalisateur face à la réception critique de son œuvre (Les Contrebandiers de Moonfleet érigé en monument par certains cercles de cinéphiles français) joue à part égale avec une lucidité et un désir de vérité que retranscrit parfaitement sa correspondance avec Eibel, reproduite à la fin de l’ouvrage. C’est ici, entre l’objectivité de la chronique et le refus de la légende, que réside la première force de cet écrit qui trouvera naturellement sa place dans la bibliothèque de tout amoureux de l’œuvre langienne.
- FRITZ LANG
- Auteur(s) : Alfred Eibel
- Édition : Klincksieck
- Collection : Klincksieck HO
- Date de parution : 23 septembre 2017
- Format : 160 pages
- Tarif : 21 €