Après la guerre de Annarita Zambrano : critique

Publié par CineChronicle le 19 mars 2018

Synopsis : Bologne, 2002. Le refus de la loi travail explose dans les universités. L’assassinat d’un professeur d’université ouvre des vieilles blessures politiques entre l’Italie et la France. Marco, ex-militant de gauche, condamné pour meurtre et réfugié en France depuis 20 ans grâce à la Doctrine Mitterrand, est soupçonné d’avoir commandité l’attentat. Le gouvernement italien demande son extradition. Obligé de prendre la fuite avec Viola sa fille de 16  ans, sa vie bascule à tout jamais, ainsi que celle de sa famille en Italie qui se retrouve à payer pour ses fautes passées.

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Apres la guerre - affiche

Apres la guerre – affiche

Après avoir réalisé plusieurs courts, Annarita Zambrano signe avec Après la Guerre son premier long métrage, présenté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes en 2017. Cette intellectuelle et cinéaste italienne, née à Rome en 1972 et installée à Paris depuis vingt ans, décrit ici une famille déchirée entre une terre natale, l’Italie, et une terre d’exil, la France. L’intention est de comprendre la complexité morale d’une histoire privée mais indissociable de la grande Histoire publique et politique. On suit un quadragénaire veuf, Marco, ex-militant ardent d’extrême-gauche, qui élève seul sa fille Viola. Il vit en France depuis une vingtaine d’années grâce à la “Doctrine Mitterrand” qui l’a soustrait à une condamnation pour homicide volontaire. Mais le cadeau du président socialiste est-il vraiment opportun ? Si certains, ayant foi en la résilience, croient en la rédemption, d’autres, plus sceptiques, condamnent ce privilège d’impunité octroyé à ceux qui ont une âme mauvaise. On peut même parler d’indécence vis-à-vis des quatre-cent morts des “années de plomb” de 1969 à 1988. La réalisatrice exprime dès lors son indignation cathartique sur la violence de ses vertes années sous un joug rouge et noir. En 2002, les hostilités reprennent et impliquent directement Marco. Ce sont les BR-PCC – BR-Parti Communiste Combattant, un groupe s’inscrivant ouvertement dans une continuité avec les anciennes Brigades Rouges, qui sévit désormais. La “Doctrine Mitterrand” devient alors caduque et l’extradition possible.

 

Apres la guerre

Après la guerre

 

Marco voit son exil confortable, lui évitant tout examen de conscience, prendre fin avec un tournant dantesque qui le ramène à une âpre réalité. En 2002, l’assassinat à Bologne d’un professeur d’université est revendiqué par un groupe au nom similaire au sien vingt ans plus tôt. Son extradition est demandée. Marco, incarné par Giuseppe Battiston, dont la corpulence impressionne (on pense à Lino Ventura mais avec une barbe assumée) est cependant loin du combattant iconique à la Che Guevarra. Sa culpabilité ne fonctionne pas, c’est sa famille qui assume et souffre de ce sentiment qui ronge comme la rouille les gens blessés au plus profond. Marco s’offre même le luxe outrancier d’une tribune, grâce à une interview avec une journaliste française, où il dévoile son vrai visage, en ne montrant ni regrets ni remords. Il choisit alors une fuite orchestrée avec pour halte ultime une cachette, perdue comme il le veut, dans la campagne landaise. Il embarque avec lui sa fille, cette adolescente de 16 ans, Viola, jouée avec justesse par une future danseuse, Charlotte Cétaire.

 

La réalisatrice crée un puissant climat d’enfermement dans une forêt qui s’y prête grâce à un tournage entièrement en format Scope. La donne est la même pour les figures italiennes qui ne quittent pas leur intérieur alors qu’elles jouissent d’une liberté totale de déplacement. Les personnages semblent prisonniers de schémas mentaux presque carcéraux. Le non-dit règne, et culmine chez Marco qui, à un moment, est sans la moindre cartouche verbale. Le tout est étouffant. Le duo père/fille est nourri par un amour partagé. Après la guerre est une tragédie grecque réussie avec un circuit fermé, une ouverture sur un meurtre à Bologne et un parricide maquillé dans le dénouement. S’affranchir de la figure tutélaire du père pour Viola ou du poids du passé pour toute une génération italienne sont cruciaux. La liberté a un prix lourd.

 

Eric Françonnet

 

 

 

  • APRÈS LA GUERRE (Dopo la guerra)
  • Sortie salles : 21 mars 2018
  • Réalisation : Annarita Zambrano
  • Avec : Barbora Bobulova, Giuseppe Battiston, Fabrizio Ferracane, Elisabetta Piccolomini, Charlotte Cétaire, Maryline Canto, Jean-Marc Barr,…
  • Scénario : Annarita Zambrano, Delphine Agut
  • Production : Stéphanie Douet, Tom Dercourt
  • Photographie : Laurent Brunet
  • Montage : Muriel Breton
  • Décors : Paul Chapelle, Maria Teresa Padula
  • Costumes : Séverine Cales
  • Musique : Grégoire Hetzel
  • Distribution : Pyramide
  • Durée : 1h32

 

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