Synopsis : Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu‘elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement leurs plus terribles secrets…
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Grand Habitué du Festival de Cannes avec plusieurs longs métrages sélectionnés, partagés entre la Compétition officielle et Un Certain Regard (Nobody Knows, Tel père tel fils…), le prolifique Hirokazu Kore-Eda a raflé cette fois la Palme d’or bien mérité avec Une affaire de Famille. Le scénariste, réalisateur et monteur japonais de 55 ans était en effet revenu concourir avec puissance, profondeur et émotion. Un scénario à deux niveaux lectures, scindé en deux parties distinctes et ponctué d’humour doux-amère. Kore-Eda manipule ici son spectateur et joue sur les apparences, brassant ses thématiques de prédilection, comme les liens familiaux, les difficultés de la société japonaise, la pauvreté, la substitution, la débrouillardise… On suit ainsi un couple, avec deux enfants et une grand-mère qui acceptent de recueillir dans la rue une petite fille perdue et maltraitée par ses parents. On découvre dès l’ouverture, excellemment rythmée par la musique du compositeur et musicien rock-électro Haruomi Hosono, que la famille survit de vol à l’étalage, puis de prostitution, d’argent soutiré et de boulot à la chaîne. Si l’amour, la tendresse et l’attention sont au coeur du récit, le cinéaste laisse lentement filtrer à travers ce bonheur familial, les secrets, les fêlures, les liens qui unissent tous ces êtres et l’histoire de chacun des protagonistes. La caméra toujours chaleureuse de Kore-Eda reste au plus près de ces personnages, de toute génération, qui trouvent leur propre système pour exister, rester unis, s’aimer et se soutenir contre l’adversité afin de manger et dormir correctement dans leur appartement chaotique et exigu. Progressivement, le cinéaste amène une autre réalité dans une seconde partie qui remet en question non seulement la vision des personnages mais aussi du spectateur. Ces deux facettes opposées qui se rejoignent révèlent dès lors une oeuvre intimiste bouleversante et une critique acide de la société. Toute cette mise en place méticuleuse et l’atmosphère qui s’en dégage sont parfaitement renforcées par le travail du directeur photo Ryuto Kondo et du décorateur Keiko Mitsumatsu. Mention aussi à tout le casting qui offre une performance convaincante et solaire. Une affaire de famille renoue ainsi avec les obsessions du cinéaste à travers les espoirs de réconciliation et les valeurs de la famille dans ce double miroir social et sociétal.
- UNE AFFAIRE DE FAMILLE (Manbiki kazoku)
- Sortie salles : 12 décembre 2018
- Réalisation : Hirokazu Kore-Eda
- Avec : Lily Franky, Sakura Andô, Mayu Matsuoka, Kirin Kiki, Kairi Jyo, Miyu Sasaki, Kengo Kora, Sosuke Ikematsu,…
- Scénario : Hirokazu Kore-Eda
- Production : Kaoru Matsuzaki, Yose Akihiko, Hijiri Taguchi
- Photographie : Ryuto Kondo
- Montage : Hirokazu Kore-Eda
- Décors : Heiko Mitsumatsu
- Musique : Haruomi Hosono
- Distribution : Le Pacte
- Durée : 2h