Résumé : À eux deux, les frères Ridley et Tony Scott possèdent une filmographie regroupant plus d’une quarantaine de longs métrages. Malgré une complicité certaine et des parcours similaires – des beaux-arts au cinéma en passant par la publicité –, ils n’ont jamais travaillé ensemble. Tout semble les opposer : le premier est un démiurge à la tête de grandes fresques historiques ou d’odyssées SF, le second, un auteur de films d’action frénétiques et musclés. Pourtant, se dessine en filigrane au sein de leurs œuvres une approche commune, celle de films mondes dans lesquels l’humain est au cœur des systèmes politiques qu’il combat. De Blade Runner à Man on Fire, de Thelma et Louise à True Romance, d’un frère à l’autre, c’est toute une vision du cinéma qui se construit peu à peu. Tony et Ridley Scott, frères d’armes montre comment les deux réalisateurs ont revisité, chacun à leur façon, les genres cinématographiques, tout en remettant en question les codes établis, poursuivant la même obsession.
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Insolite perspective que celle adoptée par Marc Moquin, critique de cinéma, et cofondateur du magazine Revus et Corrigés. En réunissant la fratrie Scott (Ridley et Tony), l’auteur développe d’étonnants (mais néanmoins cohérents) parallèles thématiques et stylistiques. D’une Amérique divisée et portée par une morale ambiguë à la représentation d’un individu livré à lui-même, l’ouvrage revient sur l’ensemble des filmographies croisées des deux réalisateurs. Dans le cas de Ridley, ce désir d’exhaustivité permet de réhabiliter le statut de certains films habituellement jugés mineurs ( face aux chefs-d’œuvre que sont Alien et Blade Runner, mais c’est bien du côté du regretté Tony que cette approche révèle tout son mérite. Considéré depuis Top Gun comme un solide artisan spécialisé dans le cinéma d’action (Le Flic de Belvery Hills ; Spy Game ; L’Attaque du métro 123), Tony Scott possède pourtant un style personnel que l’on retrouve dès Les Prédateurs son premier métrage, marqué par une ambition artistique prononcée. Moquin souligne ainsi les caractéristiques formelles de son œuvre (la pluralité des points de vue) et sa dimension subversive parfois proche du pamphlet politique (Ennemi d’État). Cette monographie à deux faces insiste sur la porosité des frontières traversant l’œuvre plurielle des Scott : morales, esthétiques, spatio-temporelles (voir l’excellent chapitre consacré aux rapports entre classicisme et modernité), mais aussi disciplinaires (le caractère pictural qui émane des films des deux artistes, un aspect très instructif et particulièrement bien développé par Moquin). Des affinités partagées entre les deux réalisateurs aux réceptions critiques et publiques de leurs films respectifs en passant par les contextes de production et de réalisation de ceux-ci, l’ouvrage offre un panorama tout à fait saisissant et complet de cette filmographie double. Après leurs récentes publications consacrées à J. J. Abrams et Christopher Nolan, la maison Playlist Society prolonge donc d’une belle manière son exploration du cinéma américain contemporain. Au format poche et à la mise en page aéré répond un soucis de concision toujours perceptible dans le traitement de leur objet d’étude. On regrettera simplement l’absence de toute bibliographie qui aurait permis d’indiquer les sources de l’auteur (études monographiques, articles).
- TONY ET RIDLEY SCOTT, FRÈRES D’ARMES
- Auteur : Marc Moquin
- Éditions : Playlist Society
- Collection : Essai/Cinéma
- Date de parution : 23 mai 2018
- Format : 160 pages
- Tarif : 14 € (print) – 7 € (numérique)