Synopsis : Faut-il obliger un adolescent à recevoir la transfusion qui pourrait le sauver ? Fiona Maye, Juge de la Haute Cour, décide de lui rendre visite, avant de trancher. Leur rencontre bouleversera le cours des choses.
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My Lady est l’adaptation du roman L’Intérêt de l’enfant (The Children Act). Le titre de l’œuvre littéraire fait référence à la loi de 1989 relative à la protection des mineurs. Déjà scénariste de Richard Eyre pour The Ploughman’s Lunch, l’écrivain a lui-même écrit le scénario pour adapter son livre sur grand écran. L’empreinte romanesque se ressent dans le long-métrage. Non seulement il y a de nombreuses références faites à ce domaine, mais surtout les affaires confiées à la Juge Maye (Emma Thompson) deviennent des récits romancés captivants, récupérés par la presse pour faire la première page. L’aspect technique des procédures judiciaires est souvent présent mais au lieu d’alourdir le récit, ce procédé nous immerge davantage dans l’ambiance du tribunal. Loin de la froideur qu’évoque la fonction de son personnage, l’actrice oscarisée fait son grand retour dans un rôle principal en incarnant brillamment et avec intensité une femme passionnée par son métier qui se plonge entièrement dans chaque cas qu’elle traite au point d’oublier de vivre sa propre histoire. À l’opposé des œuvres judiciaires qui montrent avec sensationnalisme la justice rendue aux victimes de crimes atroces, My Lady suit une juge londonienne aux affaires familiales dans son quotidien, allant bien au-delà de l’enquête et du jugement qui en découle.
Au moment où son mari Jack, interprété avec brio par Stanley Tucci, lui annonce qu’il envisage d’avoir une affaire, car il se sent délaissé par son épouse, les barrières émotionnelles que cette dernière met en place pour exercer sa profession sont fragilisées. Son équilibre personnel se retrouve compromis lorsqu’elle doit rendre une sentence pour trancher la situation d’Adam Henry (Fionn Whitehead), un témoin de Jéhovah proche de la majorité atteint d’une leucémie qui refuse, avec le soutien de ses parents (Ben Chaplin et Eileen Walsh), une transfusion sanguine vitale. Logiquement, dans cette situation c’est le Children Act cité précédemment qui prévaut et l’intérêt du mineur est préservé au détriment de sa volonté. Alors que celle qui est appelée par tous « My Lady » avait jusqu’à présent surmonté la difficile tâche d’appliquer des lois rigides à des humains complexes, elle est finalement rattrapée par les conséquences d’une implication trop importante dans son métier et se retrouve face à son vide affectif. À l’issue du verdict rendu par la Juge Maye, le jeune homme connaît lui aussi une crise qui chamboule tous ses repères. Coincée entre un mariage tendrement cynique et la fascination qu’elle provoque chez ce garçon qui éveille son instinct maternel, un triangle, pas forcément amoureux, s’établit entre Fiona, son époux et l’adolescent.
Derrière sa mise en scène sobre qui lui donne une allure plutôt classique, My Lady révèle de manière perspicace et atypique les coulisses de l’institution judiciaire britannique en exposant le décalage entre sa rigidité et l’humanité, ainsi que les croyances personnelles, des individus qu’elle est censée réguler. Absent du paysage cinématographique depuis la sortie de The Other Man il y a presque dix ans, Richard Eyre signe une nouvelle œuvre portée par des acteurs talentueux qui nous met vraiment en empathie avec les personnages sans pour autant tomber dans le mélodrame.
Erica Farges
- MY LADY (The Children Act)
- Sortie salles : 1er août 2018
- Réalisation : Richard Eyre
- Avec : Emma Thompson, Stanley Tucci, Fionn Whitehead, Ben Chaplin, Eileen Walsh, Jason Watkins, Anthony Calf, Nikki Amuka-Bird, Rosie Cavaliero, Nicholas Jones, Paul Bigley
- Scénario : Ian McEwan
- Production : Duncan Kenworthy et Celia Duval
- Photographie : Andrew Dunn
- Montage : Daniel Farrell
- Décors : Peter Francis
- Costumes : Fotini Dimou
- Musique : Stephen Warbeck
- Distribution : ARP Sélection
- Durée : 1h45