Synopsis : Ingmar Bergman est considéré comme l’un des réalisateurs les plus importants de l’histoire du cinéma. À l’occasion du centenaire de sa naissance en 2018, la cinéaste allemande Margarethe von Trotta s’interroge sur l’héritage du maître, son travail et sa vie personnelle, qui continue d’inspirer des générations de réalisateur
♥♥♥♥♥
À la recherche d’Ingmar Bergman est loin d’être le premier documentaire consacré au réalisateur et encore moins le dernier. Sélectionné à Cannes Classics également, Bergman, Une année dans une vie, de Jane Magnusson, sort lui aussi ce mois-ci. Ce qui en fait la singularité est son approche. Comme le suggère le titre, il ne faut pas s’attendre à une évocation chronologique et didactique de la vie et de l’œuvre du maître. Une impression confirmée dès les premières minutes du film. Un ciel sombre, un oiseau noir, une plage de galets et la réalisatrice se met en scène… C’est dans ce décor naturel qu’a été tournée la partie d’échec entre la Mort et le chevalier dans Le Septième sceau. C’est ici que tout a commencé pour Margarethe von Trotta alors jeune actrice. C’est en voyant le film qu’elle a décidé de se consacrer à la réalisation. Dans une scène suivante, un jour d’hiver à Paris, elle se souvient de son séjour dans la capitale, pour ses études, en 1960. À cette époque, dans les Cahiers du Cinéma, Jean-Luc Godard, François Truffaut et Eric Rohmer ne tarissent pas d’éloges envers Ingmar Bergman. Marquée et influencée par le travail du réalisateur, Margarethe von Trotta se fait narratrice. Elle part sur ses traces en même temps que celles de son propre passé. Malgré le solide appui de la Bergman Fondation, l’entreprise pouvait sembler périlleuse, cela d’autant plus que le cinéma de la réalisatrice s’est très souvent focalisé sur la réalité politique en Allemagne et paraît bien éloigné de celui de Bergman.
On pouvait également craindre que l’exercice ne réemprunte des sentiers battus. Il est vrai qu’en dehors des extraits de films, des interviews, des intervenants et des documents d’archives, des faits sont déjà connus, mais ce matériel s’intègre parfaitement à l’ensemble. Dans sa quête, Margarethe von Trotta explore d’autres pistes. Parmi ses rencontres, elle donne la parole, notamment, à de deux des fils, Dagmar Bergman et Ingmar Bergman Jr., qui évoquent ce père qui a difficilement assumé son rôle, à Ruben Östlund (The Square), qui mentionne l’existence en Suède, de deux écoles opposant aujourd’hui encore le cinéma de Bo Widerberg à celui (« de papa ») d’Ingmar Bergman, ainsi qu’à plusieurs comédiennes de théâtre allemandes ou suédoises. C’est aussi l’occasion pour la cinéaste de s’attarder sur l’épisode munichois, probablement la période la plus sombre de Bergman, obligé de s’exiler suite à ses déboires avec le fisc suédois, et méconnue, mais qui permet de mettre en exergue un autre aspect de son travail, celui du metteur en scène de théâtre.
Lion d’or du Festival de Venise 1981, Les Années de plomb de Margarethe von Trotta figure parmi les onze films préférés de tous les temps du cinéaste. Il est également le seul film réalisé par une femme dans un palmarès où figurent Billy Wilder, Charlie Chaplin, Akira Kurosawa, Andrei Tarkovski… Malgré cette distinction, la réalisatrice fait preuve d’humilité tout au long du film. Elle reste au même niveau que ses témoins et s’efface même parfois devant eux. Sans prétendre aboutir à la vérité (« sa » vérité), elle parvient à relever le défi de cerner au plus près la personnalité et l’œuvre du maître et de la place qu’il occupe encore parmi les nouvelles générations de réalisateurs. Nul besoin de connaître en détail sa filmographie (ni celle de la réalisatrice) pour apprécier À la recherche d’Ingmar Bergman, qui devrait donner l’envie de revoir ou de découvrir leurs films.
- À LA RECHERCHE DE INGMAR BERGMAN (Ingmar Bergman – Vermächtnis eines Jahrhundertgenies)
- Sortie salles : 5 septembre 2018
- Réalisation : Margarethe von Trotta
- Avec : Liv Ullmann, Daniel Bergman, Ingmar Bergman Jr., Olivier Assayas, Sig Björkman, Ruben Östlund, Mia Hansen-Love, Katinka farago, Carlos Saura, Jaen-Claude Carrière, Gaby Dohm, Rita Russek…
- Scénario : Margarethe von Trotta, Felix Moller
- Production : Benjamin Seikel, Konstanze Speidel
- Photographie : Börres Weiffenbach
- Montage : Bettina Böhler
- Distribution : Epicentre Films
- Durée : 1h40