Résumé : Défier les lois de la physique avec Ant-Man, et celles de l’anatomie avec Godzilla. S’aventurer aux abords d’un trou noir… et y plonger avec Interstellar. Communiquer avec les aliens comme dans Premier Contact. Se retrouver seul sur Mars et tenter d’y survivre. Étudier Prometheus et s’interroger sur l’origine et l’évolution des espèces extraterrestres… Ici, Roland Lehoucq, astrophysicien au CEA, et Jean-Sébastien Steyer, paléontologue au Muséum national d’histoire naturelle de Paris et au CNRS, ne cherchent pas à démolir le septième art et son rapport à la science, mais bien à enrichir le regard du lecteur en traitant du contenu scientifique d’une quinzaine de films. Plus que le résultat, c’est la démarche qui importe : mobiliser ses connaissances, s’informer, faire preuve d’esprit critique, développer sa capacité d’analyse, goûter au plaisir de la découverte. Et, surtout, faire de la science en s’amusant !
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« Oui mais bon, c’est que du cinéma ». Cette phrase que l’on a souvent entendu (ou que l’on a soi-même prononcé) au sortir d’un film de science-fiction au récit quelque peu alambiqué prend ici un sens nouveau. Roland Lehoucq, astrophysicien au CEA et déjà auteur de l’instructif Faire des sciences avec Star Wars (Le Belial’ Éditions, 2017), et Jean-Sébastien Steyer, paléontologue au Muséum national d’Histoire Naturelle de Paris et au CNRS, ont en effet eu l’excellente idée d’étudier la fiction à la lumière de la science, et de tester ainsi la viabilité théorique et pratique de certains fleurons du cinéma contemporain. Qu’implique exactement le processus de miniaturisation proposé par Ant-Man ? La solitude martienne de Matt Damon dans le film de Ridley Scott sera-t-elle un jour possible ? À quelles représentations (pré-)historiques se rapporte la planète glacée Hoth de L’Empire contre-attaque ? Avec rigueur, les deux auteurs cherchent à répondre à ces différentes questions, proposant de nombreux développements articulés autour d’exemples précis, tirés du cinéma, mais aussi de la littérature (Pierre Boulle, Lovecraft, Arthur Conan Doyle, Francis Carsac sont ainsi cités). Au contact de théories pointues relevant de la chimie, de la biologie, de la paléontologie, ou de la linguistique, les différentes figures (super-héros, extra-terrestres, clones, robots, et autres singes géants), phénomènes (polymorphie, invisibilité, gigantisme), et sous-genres (space-opera, film-catastrophe, film de monstres) de la SF sont littéralement passés au scalpel. Cette expertise de haut vol permet de souligner les mérites (scientifiques et fictionnelles) de certaines productions (Europa Report de Sebastian Cordero dont les auteurs soulignent la relative crédibilité des représentations ainsi que des personnages de scientifiques ; Premier Contact de Denis Villeneuve définit comme un film de « linguistique-fiction », au sens noble du terme), et d’insister sur la médiocrité d’autres (Prometheus auquel l’ouvrage conteste les théories pseudo-scientifiques tout en rappelant les nombreuses invraisemblances ponctuant son récit). À l’originalité de ce projet s’ajoute donc un véritable engagement des deux auteurs dont le sens du détail permet d’éclairer en profondeur les nombreux fantasmes technologiques traversant l’histoire du cinéma fantastique et de science-fiction. Bien qu’on puisse regretter le caractère abscons de quelques passages qui pourront sembler ardus pour le public profane, de nombreux points bibliographiques, intégrés à la fin de chaque chapitre, assurent la valeur pédagogique de cet ouvrage qui saura autant intéresser la communauté scientifique que cinéphile.
- LA SCIENCE FAIT SON CINÉMA
- Auteurs : Roland Lehoucq et Jean-Sébastien Steyer
- Éditions : Le Belial’
- Collection : Parallaxe
- Date de parution : 18 octobre 2018
- Format : 250 pages
- Tarif : 14,90 € (papier) – 7,90 € (numérique)