Synopsis : La véritable histoire de l’attaque terroriste la plus meurtrière jamais perpétrée en Norvège. Le 22 juillet 2011, 77 personnes sont tuées lorsqu’un ultranationaliste d’extrême droite fait exploser une bombe artisanale placée dans une voiture à Oslo avant de commettre une fusillade dans un camp d’été de jeunes. À travers le combat physique et psychologique d’un jeune survivant, « Un 22 Juillet » décrit un pays qui tente tant bien que mal de surmonter le drame et de panser ses plaies.
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Peut-on réaliser des fictions sur des faits dont les protagonistes sont encore vivants ? La question est vieille comme l’art et se pose avec d’autant plus d’acuité avec les attentats terroristes de ces vingt dernières années. Or, Paul Greengrass (Jason Bourne, Green Zone, Capitaine Phillips), s’était essayé à l’exercice avec Vol 93 (2006), relevant le défi de réaliser la première fiction inspirée du 11 septembre. Le film a donné une reconstitution quasi-clinique, évitant piège du chauvinisme que sous-tend un sujet aussi casse-gueule. Alors, quand Greengrass réalise pour Netflix une fiction sur la tuerie d’Utøya, on est curieux. Piqûre de rappel au cas où : le 22 juillet 2011, le néonazi norvégien Anders Behring Breivik fait exploser une bombe artisanale dans le quartier des ministères d’Oslo, puis se rend sur l’île d’Utøya où se déroule un camp de jeunes du Parti travailliste norvégien. Déguisé en policier et lourdement armé, il assassine 67 personnes avant de se rendre à la police. Avec 77 morts et plus de 300 blessés au total, il s’agit de l’un des attentats terroristes les plus meurtriers en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Breivik est incarcéré depuis 2012. Un 22 Juillet se présente d’emblée comme une reconstitution minutieuse, presque aussi froide et sombre que sa photographie : à l’instar d’un jeu d’échecs, les pions de la tragédie se mettent en place. On voit d’abord Breivik (Anders Danielsen Lie, remarqué dans Oslo, 31 août et Fidelio) préparer silencieusement ses bombes ; Vijlar et Torje Hanssen (Jonas Strand Gravli, Isak Bakli Aglen), deux frères, fils d’une candidate à la mairie de Svalbard, qui débarquent sur l’île, fous de joie de retrouver leurs copains ; Jens Stoltenberg (Ola G. Furuseth), le Premier ministre de l’époque.
L’histoire se concentre sur eux pour narrer les évènements. La scène du massacre arrive très vite et se révèle totalement terrifiante, alternant entre la panique des adolescents et Breivik, avançant tel un Terminator implacable, tuant sans aucune expression, ne sortant de son silence que pour beugler des insultes contre ses victimes. Et quand il se rend, seule une demi-heure est passée. Car le plus gros d’Un 22 Juillet se concentre sur l’après. C’est là où on n’attendait pas le réalisateur de films d’action, et c’est son coup de génie. Trois récits et trois problématiques convergent alors. Pour le Premier ministre, une telle attaque aurait-elle pu être évitée? Breivik est-il fou et donc responsable de ses actions ? Et pour la famille Hanssen, comment tout simplement survivre ?
Du côté de la famille, c’est un combat intimiste, qui reconstitue la douleur, le traumatisme, l’attente et l’angoisse. Cette partie rend leur parole aux victimes des attentats, aux vies inexorablement détruites, qui continuent à tenter de vivre, à travers leurs culpabilités, leurs cauchemars, leurs peurs, leurs croyances en leurs valeurs, leurs tentations de sombrer dans la haine, et la rééducation. La victime se reconstruit pour pouvoir faire face à la vie et à son bourreau. On aurait pu se contenter du portrait du terroriste dont tout le monde connaît le nom, ou le Premier ministre devenu homme d’État, qui se concentre sur le « plus jamais ça ». Greengrass ne tombe pas dans les pièges.
De même, il aurait été trop facile de représenter Breivik en simple monstre, l’antithèse de la jeunesse multiculturelle et optimiste qu’il a attaquée. Il devient un vantard imbu de lui-même dont on ne sait pas s’il est fou ou juste fanatique. il se permet des petites blagues et va jusqu’à réclamer un médecin car il a peur de s’être infecté avec les projections d’éclats de crâne. Il est lunaire, obnubilé par sa grandeur, persuadé de son bon droit, n’obéissant qu’à sa propre logique. Et c’est ce qui le rend d’autant plus terrifiant. Face à lui, son avocat, Geir Lippestad (Jon Øigarden), homme de gauche et fier de l’être, très loin d’approuver les actions de son client, et qui doit malgré tout remplir son devoir, tout en évitant que le procès de Breivik ne soit l’occasion pour lui de faire son propre spectacle.
Un bémol cependant. Malgré un casting et une équipe technique quasi-exclusivement scandinaves, des événements s’étant déroulés en Norvège, le film a été tourné en anglais. Là encore, il s’agit d’un choix délibéré du réalisateur, d’après Anders Danielsen Lie : « Sa mission était de voir Un 22 Juillet comme une histoire locale avec un message global ». Car des individus partageant les idées de Breivik existent. D’ailleurs, difficile de ne pas y avoir un message contre l’alt-right américaine… En montrant dans leur contexte, sans omettre les victimes, toute l’horreur qu’a déchaînée ses actes, sur une plate-forme à l’échelle mondiale comme Netflix, c’est un message que Paul Greengrass leur adresse. Un message de résilience, de force, et de prévention. Ainsi, Paul Greengrass signe l’un des meilleurs films Netflix et sans doute de l’année.
Arthur de Boutiny
- UN 22 JUILLET (22 July)
- Diffusion : 10 octobre 2018
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Paul Greengrass
- Avec : Anders Danielsen Lie, Jon Øigarden, Thorbjørn Harr, Jonas Strand Gravli, Ola G. Furuseth, Ulrikke Hansen Døvigen, Isak Bakli Aglen, Maria Bock, Tone Danielsen, Sonja Sofie Sinding… Scénario : Paul Greengrass, d’après l’ouvrage En av oss, d’ Åsne Seierstad
- Production : Eli Bush, Gregory Goodman, Paul Greengrass, Scott Rudin
- Photographie : Pål Ulvik Rokseth
- Montage : William Goldenberg
- Décors : Liv Ask
- Costumes : Margét Einarsdóttir
- Musique : Sune Martin
- Durée : 2h23