Résumé : Le but de cet ouvrage est d’étudier l’ensemble de la filmographie d’Alfred Hitchcock à partir d’un point de vue juridique. Cet examen permet de dégager trois grandes lois que le cinéaste a mises en scène. La première concerne les relations entre les individus : le mariage conduit au meurtre. La deuxième vise la justice dans sa dimension humaine. Parce qu’elle est faite par des êtres humains, parce qu’elle fait intervenir de manière inévitable des individus en tant que policiers, avocats, magistrats, elle ne conduit pas à la véritable justice, passant à côté de la vérité et entraînant fréquemment la condamnation de l’innocent. Quant à la troisième, elle est typiquement hitchcockienne puisqu’Hitchcock est un janséniste. Seule la loi divine peut conduire à une forme de justice, selon lui. L’ouvrage permet au lecteur de comprendre la signification de l’œuvre d’Hitchcock, au-delà de la simple réalisation de films.
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En se proposant d’analyser l’œuvre de Hitchcock par le prisme de la loi, Arnaud Coutant, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l’Université de Reims Champagne Ardenne, offre un vaste panorama thématique de son objet d’étude. La relativité des questions propres à la légalité, au judiciaire, ou à la culpabilité occupent, on le sait, occupe une place centrale dans la filmographie du célèbre réalisateur. De fait, le séquençage de l’ouvrage selon certaines notions générales comme le crime, le mariage et l’universalité de la loi (entre jugement divin et justice personnelle) affirme un retour aux fondamentaux. Si cette approche risquait a priori d’exploiter un territoire déjà archi-balisé, il faut remarquer que l’argumentaire de l’auteur se renforce par son ambition d’exhaustivité. Car bien que la filmographie américaine soit logiquement privilégiée, Coutant prend soin de s’attarder sur des films trop peu souvent étudiés. Ainsi du méconnu Mr and Mrs Smith qui permet d’interroger l’institution maritale à travers la permissivité des représentations que celui-ci octroie, ou de Aventure malgache et Bon voyage, courts métrages réalisés par Hitchcock durant la Seconde Guerre mondiale qui insistent sur l’importance de l’ancrage politico-historique dont fut marqué son œuvre. On remarquera par ailleurs la présence ponctuelle de certains épisodes tirés de la série télévisée Alfred Hitchcock présente. Références biographies, analyses de certaines séquences-clé, focalisation sur les accessoires (la corde, le couteau, la bague…), ou sur des procédés narratifs (le prétexte, le MacGuffin, le happy end) permettent de déconstruire les rouages d’une mécanique dramatique parfaitement rodée. Au sérieux de l’écriture répondent, en annexes, une large filmographie comprenant les productions pour lesquelles Hitchcock collabora comme assistant, ainsi qu’une bibliographie sélective se partageant entre biographies et monographies. On regrettera cependant le caractère parfois trop synthétique de certaines sous-parties. La description proposée par Coutant du « monde hitchcockien » aurait ainsi pu profiter de prolongements, de même que les passages (pourtant très instructifs ! ) consacrés au motif de l’escalier ou à la description des principaux adjuvants de la loi (avocats, procureur, juge). Bien que ces absences n’entachent en rien la clarté de l’exposé, les inconditionnels de Hitchcock risquent d’être frustrés par ce manque de consistance.
- LES LOIS D’ALFRED HITCHCOCK
- Auteur : Arnaud Coutant
- Éditions : Mare & Martin
- Collection : Droit & cinéma
- Date de parution : 18 octobre 2018
- Format : 223 pages
- Tarif : 29 €