Synopsis : En 1997, l’île de Manhattan a été transformée en prison de haute sécurité à ciel ouvert. Snake Plissken, un hors-la-loi, est envoyé en mission-suicide pour y retrouver le président des Etats-Unis, dont l’avion s’est crashé à New York…
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À présent qu’il surfe sur la vague des succès de Halloween et Fog, John Carpenter peut retourner dans ses cartons et exhumer un scénario qu’il avait écrit en 1976, au tout début de sa carrière, New York 1997, dont aucun studio n’avait voulu parce qu’il était “trop sombre, trop violent, trop effrayant et trop bizarre”. Les temps changent. AVCO-Embassy accepte et lui propose un budget de 6 millions de dollars, le sextuple de son film précédent. Quand John Carpenter écrit New York 1997, il surfe sur la mode des films sécuritaires comme Un Justicier dans la Ville, où le héros doit se battre contre d’affreux hors-la-loi dans la jungle urbaine. À cela s’ajoute un désamour général envers les pouvoirs publics, susceptibles de corruption et de dérive totalitaire. On est dans l’après-Watergate. En 1981, les étoiles sont de nouveau alignées pour un discours anti-gouvernement et caricaturant la tolérance zéro. Ronald Reagan vient d’être élu président des États-Unis et d’après les statistiques, cinq meurtres sont commis par jour à New York. Parfait pour une histoire d’anticipation où la Grosse Pomme est devenue une zone de non-droit condamnée par un gouvernement oppressif. Mais pour une bonne histoire, il faut un bon héros, et Snake Plissken, vétéran de la Troisième Guerre mondiale devenu hors-la-loi, avec son bandeau de pirate, héritier du personnage de Clint Eastwood dans les films de Sergio Leone, doit trouver l’interprète adéquat. Après avoir refusé Charles Bronson et Tommy Lee Jones, John Carpenter fait accepter Kurt Russell, avec qui il avait déjà travaillé sur un téléfilm consacré à Elvis. Russell, qui avait été enfant-acteur dans les productions Disney (comme Ryan Gosling plus tard), cherche alors à casser son image candide. Il se muscle et conçoit son personnage comme un mélange de “Bruce Lee et Dark Vador, avec la voix de Clint Eastwood.” Des seconds couteaux d’Hollywood complètent la distribution, avec Lee Van Cleef (Le Bon, la Brute et le Truand), Ernest Borgnine (La Horde Sauvage), Harry Dean Stanton (Alien) et le chanteur Isaac Hayes (Shaft). Comme d’habitude, aussi, Carpenter fait appel aux copains : son épouse Adrienne Barbeau, Donald Pleasence revient après Halloween et même Jamie Lee Curtis (Halloween, Fog) fournit la voix-off de l’introduction.
Si c’est le plus gros budget de la carrière de Carpenter jusqu’ici, hors de question de recréer un New York décrépi grandeur nature. C’est alors que Barry Bernardi, producteur associé, découvre East St. Louis, dans l’Illinois, qui vient de subir un incendie géant et a donc plusieurs pâtés d’immeubles entièrement brûlés. Le tournage sera assez ardu pour John Carpenter, contraint de tourner de nuit en pleine canicule. Pour les scènes se déroulant au quartier général de la police, aux pieds de la Statue de la Liberté, John Carpenter est le premier cinéaste à obtenir l’autorisation de filmer à Liberty Island. Les effets spéciaux sont réalisés à New World Pictures, la société de production de Roger Corman, pape de la série B et surtout roi du tournage à bas prix. Pour la séquence où Snake pilote un planeur jusqu’au World Trade Center, et où la police suit sa route sur ordinateur, pas besoin d’images de synthèse. Une maquette de New York a été peinte en noir, avec du scotch phosphorescent posé sur chaque arête, avant d’être filmée sous lampe à ultraviolets…
John Carpenter livre un film d’action sans trêve, à la fois typique des années 1970 mais moderne par son humour noir et son regard cynique sur la société. La critique et le box-office suivirent, avec 25,2 millions de dollars de recettes. John Carpenter s’était déjà fait remarquer avec Assaut, sur les mêmes thèmes de tout-sécuritaire. Snake Plissken, archétype d’antihéros, sans foi ni loi, qui se bat pour sa survie, ou les gangs de New York, contraints de s’organiser dans une gigantesque prison, sont au final beaucoup plus sympathiques que les autorités. Tout en noir, en néons et en métal, les forces de police sont le bras armé d’un pouvoir totalitaire et incompétent, à l’image d’un président couard, qui se moque éperdument de ceux qui sont morts pour lui. Le message politique d’Invasion Los Angeles pointe déjà sous Plissken…
Quinze ans après, New York 1997 connaîtra une suite, Los Angeles 2013 (Escape from Los Angeles), avec Kurt Russell encore. L’histoire ? Los Angeles, détachée de la Californie après un tremblement de terre, est devenue une prison à ciel ouvert où le gouvernement, devenu une dictature fondamentaliste, envoie tous ses parias. Snake Plissken, toujours hors-la-loi, est envoyé en mission pour retrouver une arme secrète volée par le guérilléro Cuervo Jones… On le comprend, le film est un copier-coller du premier, transposé sur la côte Ouest. Les effets spéciaux déjà datés et l’âge de Kurt Russell n’aident pas du tout et le film fait un four dans les salles obscures. Dépité, John Carpenter transforme ce qui devait être le troisième volet en un film original, Ghosts of Mars. Des rumeurs d’un remake par Robert Rodriguez, avec Gerard Butler, Josh Brolin ou Emily Blunt (!) en Snake Plissken, réapparaissent souvent mais demeurent sans lendemain.
Les véritables suites de New York 1997 sont dans son influence. Solid Snake, le héros de la saga de jeux vidéos Metal Gear Solid, est un hommage direct au héros ; William Gibson, le pape du cyberpunk, affirme avoir eu l’idée de son roman Neuromancien en regardant le film. James Cameron, alors chargé des effets spéciaux chez New World Pictures, a travaillé sur certains caches / contre-caches du film. Et même, un tout jeune J. J. Abrams, dont le père travaillait à la production, remarqua un faux-raccord dans le montage du film. Il devait lui rendre hommage dans Cloverfield, avec une tête de la Statue de la Liberté tombant dans la rue, comme sur l’affiche du film.
Arthur de Boutiny
- NEW YORK 1997 (Escape from New York)
- Ressortie salles : 19 décembre 2018
- Version restaurée 4K
- Réalisation : John Carpenter
- Avec : Kurt Russell, Lee Van Cleef, Ernest Borgnine, Donald Pleasence, Isaac Hayes, Harry Dean Stanton, Adrienne Barbeau, Tom Atkins
- Scénario : John Carpenter, Nick Castle
- Production : Larry Franco, Debra Hill
- Photographie : Dean Cundey, George D. Dodge
- Montage : Todd C. Ramsey
- Décors : Joe Alves
- Costumes : Stephen Loomis
- Musique : John Carpenter, Alan Howarth
- Distribution : Splendor Films
- Durée : 1h34
- Sortie initiale : 10 juillet 1981 (États-Unis) – 24 juin 1981 (France)