La Favorite de Yórgos Lanthimos : critique 

Publié par Sévan Lesaffre le 6 février 2019

Synopsis : Une servante intrigue pour devenir la confidente de la reine d’Angleterre et grimper dans la hiérarchie aristocratique.

 

♥♥♥♥

 

La Favorite - affiche

La Favorite – affiche

Avec La Favorite, nommé dans dix catégories aux Oscars, Yórgos Lánthimos (CanineThe LobsterMise à mort du cerf sacré) signe un film d’époque à la fois provocateur et fantasque retraçant la rivalité naissante entre Lady Sarah et sa nouvelle servante Abigail, toutes deux amies proches de la reine Anne dans l’Angleterre du début du XVIIIème siècle. Porté par un éblouissant trio d’actrices incarnant des femmes « monstrueuses », froides et perfides, une dramaturgie très construite —prenant la forme d’une tragédie en huit actes—, et des dialogues à la fois percutants et subversifs, le nouveau long-métrage en costumes du sulfureux réalisateur grec ne peut laisser indifférent. Entre amour, désir, jeu de pouvoir et de séduction, La Favorite, savant mélange de cruauté baroque et d’ironie expressionniste, évoque All About Eve de Mankiewicz, Meurtre dans un jardin anglais (Draughtman’s Contract) de Peter Greenaway ou encore Barry Lyndon de Stanley Kubrick. Si les influences cinématographiques ne manquent pas, La Favorite se singularise grâce à l’ironie implacable et le goût du grotesque de Yórgos Lánthimos. Il est ici question de cajolerie, de manipulation sexuelle et de jalousie : l’ancienne aristocrate qui postule en tant que servante, bien déterminée à gravir l’échelle sociale, entame la bataille pour les faveurs de la reine. Le cinéaste perturbe la norme au moyen d’une intrigue vénéneuse, joue avec les codes visuels et moraux de la Renaissance mis au service d’un propos féministe et moderne. En effet, dans La Favorite, les femmes dominent tandis que les hommes sont réduits au rôle de faire-valoir. Les interprétations sont aussi spectaculaires que nuancées : Olivia Colman (Broadchurch), récompensée à Venise et aux Golden Globes, incarne une reine disgracieuse, névrosée, hystérique et infantile cajolant ses dix-sept lapins chéris, Emma Stone (La La Land) portraiture la servante Abigail Hill, arriviste forcenée et stratège pouponne mais pleine d’impertinence tandis que Rachel Weisz (My Cousin Rachel) compose une Lady Sarah Malborough manipulatrice et arrogante.

 

La Favorite

La Favorite

 

Ce triangle amoureux féminin dessine le désespoir des personnages, dépeint les thématiques de l’ascension sociale et de la perversité ; les liaisons dangereuses nouées entre ces femmes chasseresses leur seront fatales, et ce jusque dans l’éblouissante surimpression finale. La caméra objective de Lánthimos parcourt un cadre pittoresque outrancier, factice, rempli d’une multitude de détails —un soin particulièrement minutieux est accordé au décorum—, lequel contribue, tout comme la musique anxiogène, à l’atmosphère étouffante du film. Fisheye, grand angle et contre-plongée, partis pris esthétiques du directeur de la photographie irlandais Robbie Ryan, déforment les perspectives et renforcent la solitude des personnages isolés dans leur tour d’ivoire, comme espionnés à travers un judas. Ici, le terrain de jeu devient un champ de bataille qui se transforme peu à peu en prison.

 

En toile de fond, l’Angleterre et la France sont en guerre mais le véritable conflit prend corps à l’intérieur du château. Autre réussite : la fastueuse mise en scène met en valeur la férocité des protagonistes et notamment la froideur stratégique d’Abigail Hill. Dans cette comédie de la cruauté, aussi crue que raffinée, chaque geste correspond à un instinct vital, ayant une justification sociale, montrant que la brutalité et la violence ne sont pas seulement une prérogative masculine, mais une partie intégrante et essentielle de la nature humaine. Tout comme The LobsterLa Favorite esquisse une étrange similitude entre les hommes et les animaux (tir aux pigeons, course d’oies..), configurés comme des bêtes sauvages. De plus, la figure de la reine Anne va de pair avec la dégoûtante arrogance de ceux qui ont été ternis par le pouvoir et qui sont donc voués à une fin misérable, même dans leur propre royaume. En somme, Yórgos Lánthimos livre une tragi-comédie aussi magistrale que jouissive, portée par le trio royal Colman-Stone-Weisz, et fait de La Favorite une irrésistible fresque d’intrigues courtoises épousant le point de vue féminin. Un jeu de dames à la cour.

 

 

 

  • LA FAVORITE (The Favourite)
  • Sortie : 6 février 2019
  • Réalisation : Yórgos Lánthimos
  • Avec : Olivia Colman, Emma Stone, Rachel Weisz, James Smith, Mark Gatiss, Nicholas Hoult, Joe Alwyn, Faye Daveney, Emma Delve, Paul Swaine…
  • Scénario : Deborah Dean Davis, Tony McNamara
  • Production : Ceci Dempsey, Ed Guiney, Yórgos Lánthimos, Lee Magiday
  • Photographie : Robbie Ryan
  • Montage : Yorgos, Mavropsaridis
  • Décors : Fiona Crombie, Alice Felton
  • Costumes : Sandy Powell
  • Musique : Johnnie Burn
  • Distribution : Twentieth Century Fox France
  • Durée : 2h

 

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