Résumé : Anthony Mann. Arpenter l’image est le premier ouvrage en français qui propose une analyse des films majeurs de l’un des plus importants réalisateurs hollywoodiens classiques, Anthony Mann (1906-1967). Celui-ci s’est investi dans les genres les plus importants de l’art cinématographique : film noir, western, film de guerre, péplum. Les auteurs visent, à travers ces analyses, à réfléchir l’image cinématographique et à contribuer à une philosophie de l’image. C’est que l’ambition de Mann est bien réelle : il s’obstine, tout au long de sa carrière, à comprendre ce qu’est l’image et l’action qu’elle donne à voir. Mann raconte et s’efforce de comprendre en même temps, à même ses images, ce que c’est que de narrer en image, ce qu’est une action qui est de part en part image. Mann arpente les images qu’il compose.
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Grand auteur (pour beaucoup), petit maître (pour certains), qu’importe. Anthony Mann fait partie de ces réalisateurs hollywoodiens qui demeure au panthéon de la cinéphilie française. Longtemps adulé par la critique institutionnelle, le réalisateur n’a pourtant pas bénéficié d’une actualité éditoriale importante. Depuis la monographie de Jean-Claude Missiaen publiée en 1964, on retrouve surtout sa trace dans des études thématiques consacrées au western, façon comme une autre de limiter sa foisonnante filmographie au cadre d’un genre unique. Cet ouvrage, co-écrit par Natacha Pfeiffer et Laurent Van Eynde, tous deux spécialistes en philosophie de l’art à l’Université Saint-Louis (Bruxelles) – a donc choisi de réattribuer à l’œuvre de Mann son éclectisme premier tout en cherchant à souligner une cohérence syncrétique entre fond et forme(s). C’est donc la métaphysique d’une mise en scène qui s’offre au lecteur, une orientation fondamentalement auteuriste qui a pourtant le mérite de prévenir les risques d’une lecture purement subjective des films. Cette particularité a principalement été rendue possible par la rigueur scientifique de l’ouvrage. La valeur esthétique du cinéma de Mann étant privilégiée (bien que la question de la structure narrative soit aussi présente), les nombreuses analyses de séquences traversant l’ensemble de l’étude se présentent comme des ouvertures à certaines interprétations formelles hautement instructives. La mise en abyme (procédé, on le sait, cher aux recherches universitaires) s’inscrit au cœur de cette approche, se déclinant à travers la représentation de motifs (le cercle, la relativité, la surface, l’écran, la perspective, le paysage) et de techniques (angles de prises de vue, mouvements de caméra, jeux de contrastes, de lumières et de tonalités chromatiques). Le chapitrage par film (ou par groupe limité de films) favorise les études de cas et incitent toujours les auteurs à ancrer leurs réflexions à l’intérieur des cas concrets que constituent les images. Ce corpus circonscrit a par ailleurs le mérite de se focaliser principalement sur les productions les plus connues (parmi lesquelles Le livre noir, Incident de frontière, La porte du diable, Winchester’73, L’homme de la plaine…) et de souligner l’originalité des angles d’analyse adoptées par les auteurs. Certes, le lecteur pointilleux notera la présence de certains oublis méthodologiques (le titre original d’un film se voyant remplacé par sa version française au cours d’un même chapitre), mais ceux-ci demeurent secondaires au regard de la qualité de l’écriture et de la grande valeur conceptuelle de l’ensemble. Reste un manque important relatif à l’absence de toute illustration. La présence de captures d’écran s’avérait pourtant ici nécessaire, se présentant d’abord comme un supplément aux développements théoriques mais surtout comme un moyen d’alléger la part descriptive (très importante et parfois fastidieuse) des analyses de séquences.
- ANTHONY MANN. ARPENTER L’IMAGE
- Auteurs : Natacha Pfeiffer et Laurent Van Eynde
- Éditions : Presses universitaires du Septentrion
- Collection : Esthétique et sciences des arts
- Date de parution : 7 février 2019
- Format : 290 pages
- Tarif : 25 € (print) -18 € (numérique)