Synopsis : L’histoire de Jared, fils d’un pasteur dans une petite ville américaine, dont l’homosexualité est dévoilée à ses parents à l’âge de dix-neuf ans. Jared fait face à un dilemme : suivre un programme de thérapie de reconversion ou être rejeté pour toujours par sa famille, ses amis et sa communauté religieuse.
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Après Come As You Are de Desiree Akhavan sorti en juillet dernier, dans lequel une jeune fille lesbienne (Chloë Grace Moretz) était envoyée en thérapie de conversion, Boy Erased raconte le séjour de Jared (Lucas Hedges), le fils d’un couple très croyant confié à un établissement pour « guérir » de son homosexualité. Pour son second long-métrage, le réalisateur australien Joel Edgerton (The Gift, Loving) adapte les Mémoires de Garrard Conley et se penche sur l’histoire vraie du combat d’un jeune homme pour se construire alors que tous les aspects de son identité sont remis en question. « Outé » contre son gré, Jared Eamons est envoyé à  Love in Action, un établissement dans lequel le prédicateur homophobe Victor Sykes (Joel Edgerton) et une poignée de soignants forcent des adolescents gays à « redevenir » hétéros en employant des méthodes destructrices. Boy Erased porte un regard sans concession sur la thérapie religieuse de « reconversion » sexuelle aux États-Unis et ses méthodes abjectes. Le réalisateur s’empare de l’atmosphère intemporelle et puritaine du sud rural (l’Arkansas, la Terre de la Possibilité) pour narrer l’histoire très américaine, certes un peu trop démonstrative, de la dévotion totale à la Bible. Dès les premières minutes, la caméra saisit les émotions retenues et antinomiques des protagonistes, entre angoisse, colère, résignation et incertitude. Malgré une mise en scène sobre, feutrée, et une photographie blafarde, Boy Erased va plus loin que Come As You Are – les effrayantes scènes de « rééducation » sont notamment plus cruelles, plus travaillées chez Edgerton – et élargit le débat en dénonçant très frontalement les tortures psychologiques ainsi que les ravages de la culpabilisation, du manque de bienveillance et de compassion.
Ici, la violence n’est jamais emphatique ni complaisante, mais la représentation mesurée des bourreaux du jeune homme se révèle être la grande surprise de ce drame tout en retenue ponctué de flashbacks. Il est aussi question d’incommunicabilité familiale. Russell Crowe compose un père pasteur désemparé et intraitable face au coming out de son fils. Nicole Kidman incarne une mère tout aussi démunie qui, en toute bonne foi, se soumet à l’autorité patriarcale. Lucas Hedges (Manchester By the Sea, Lady Bird, Ben is back), quant à lui, interprète avec une sincérité désarmante le rôle de ce « boy repressed », garçon « effacé », tourmenté, emprisonné, transmettant en silence la douleur éprouvée par son personnage. Le viol qu’il subit entraîne le spectateur dans son combat contre le fonctionnement mafieux et l’homophobie institutionnalisée de la communauté religieuse.
Hedges porte le film sur ses épaules malgré la construction chapitrée et quelque peu affectée de l’intrigue – qui piétine malheureusement jusqu’à la dernière demi-heure – laquelle conduit à un happy end attendu. Le personnage d’Henry, campé par Joe Alwyn, est probablement le moins abouti. Enfin, le cinéaste et acteur australien s’est lui-même réservé le rôle du gérant de l’établissement, Victor Sykes, homme à la figure impassible, qui prêche la « guérison » par la foi et la haine de soi. En outre, s’il ne « vilainise » pas ses personnages, Edgerton, qui s’est entouré de comédiens ouvertement homosexuels et militants, filme les visages désenchantés de Xavier Dolan, Troye Sivan ou encore Cherry Jones, agrémentant modestement ce récit d’apprentissage.
La chambre 237, dans laquelle le destin de Jared bascule, fait écho à  The Shining de Kubrick. Enfin, un carton rappelle la dure réalité : 700 000 personnes ont subi les thérapies de conversion et leurs effarantes pratiques dans ces centres répartis sur trente-six États américains. Un effrayant constat illustré par le suicide de Cameron (Britton Sear). En somme, Joel Edgerton juge un système néfaste à l’aide d’une mise en scène aux artifices minimalistes et signe un drame intimiste, prévisible mais d’une sensibilité remarquable, sur le désir de liberté. Un émouvant voyage vers l’acceptation de soi.
- BOY ERASED
- Sortie : 27 mars 2019
- Réalisation : Joel Edgerton
- Avec : Lucas Hedges, Nicole Kidman, Russell Crowe, Joel Edgerton, Cherry Jones, Michael Flea Balzary, Xavier Dolan, Troye Sivan, Joe Alwyn, Emily Hinkler, Jesse LaTourette, David Joseph Craig, Théodore Pellerin, Madelyn Cline, Britton Sear…
- Scénario : Joel Edgerton d’après Boy Erased : A Memoir of Identity, Faith, and Family de Garrard Conley
- Production : Joel Edgerton, Steve Golin, Kerry Kohansky Roberts
- Photographie : Eduard Grau
- Montage : Jay Rabinowitz
- Décors : Adam Willis
- Costumes : Trish Summerville
- Musique : Danny Bensi, Saunder Jurriaans
- Distribution :Â Universal Pictures International France
- Durée : 1h55