Résumé : À l’image, un corps apparaît, et avec lui un lieu. Un jeune homme est entré dans l’eau d’un lac (Vincent n’a pas d’écailles, Thomas Salvador, 2015). Le corps et ses mouvements y prennent des qualités aqueuses : fluidité, impétuosité, projection, jaillissement… Le corps flue à des vitesses inconcevables… S’il peut être qualifié ainsi, c’est au regard de l’eau. Mais l’eau pourrait être tout autre : lourdeur, stagnation, imprégnation… Si à l’image s’actualisent sa fluidité et sa fluence, c’est donc à l’aune de ce que le corps fait d’elle. Le cadrage, les durées de plan, les mouvements de caméra travaillent à consigner autant qu’à susciter cette définition mutuelle d’une spatialité et d’une corporéité. Cette manière de figurer l’espace et les corps qui s’y tiennent, bien des films, pourtant éminemment différents, la mobilisent (A. Serra, Ozu, J. Nichols, Ford, Glazer, Epstein, Kitano…). Dans leurs images, des puissances cinématographiques œuvrent à rendre sensible une entr’appartenance des corps et de l’espace, voire leur connaissance. Ce qui s’offre là au regard résiste aux notions de « décor » ou de « paysage », et même à la catégorie d’« espace » telle qu’elle a été pensée dans les écrits sur le cinéma. Il convient dès lors de se donner les moyens de désigner, à la lumière de multiples propositions théoriques, ces étranges contextures : ce que ces films font passer dans le sensible, c’est un milieu, à chaque fois singulier.

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Faire corps avec le monde - livre

Faire corps avec le monde – livre

Cette étude placée sous le double-signe des espaces et des corps impressionne par sa prolixité. Se référant à la posture de Bachelard pour lequel « un concept net doit porter la trace de tout ce que nous avons refusé d’y incorporer », Benjamin Thomas, maître de conférences (HDR) en études cinématographiques à l’Université de Strasbourg et déjà auteur d’un certain nombre d’ouvrages ayant trait à l’esthétique du cinéma (L’Attrait du vent, Yellow Now, 2016 ; Fantômas de Louis Feuillade, Vendémiaire, 2017), propose une réflexion dont la plénitude tient principalement à son ouverture théorique. Sans se refuser à conceptualiser les motifs qui ponctuent son ouvrage (lieux, paysages, territoires, milieux, corps éprouvés, corps-flux…), l’auteur propose d’en décliner les valeurs selon l’acceptation qu’en donnent les films et leurs figurations. C’est donc l’analyse de séquences qui prime ici, perçu comme une activité descriptive et interprétative se moulant sur les images pour en distinguer le travail auto-créatif. S’ouvrant avec Le Chant des oiseaux (Albert Serra, 2008), le corpus proposé ici privilégie l’éclectisme. Films d’auteurs (L’Humanité de Bruno Dumont) ou blockbusters (Avengers, Joss Whedon, 2012), productions contemporaines (Take Shelter, Jeff Nichols, 2011) ou chefs-d’œuvre du classicisme (Le Mouchard, John Ford, 1935) se répondent à travers un réseau de sens et de sensations. Cette fécondité se retrouve dans les références de l’ouvrage (et que l’on retrouve toutes indiquées dans sa vaste bibliographie). L’érudition de l’auteur permet d’ouvrir encore sa réflexion en dépassant les seuls exemples filmiques pour aborder d’autres disciplines artistiques (la danse, la peinture, ou la bande-dessinée) et envisager certains points philosophiques (l’imaginaire et le réel, le rapport de l’organique au tellurique) selon un prisme cinématographique et syncrétique. Si l’on peut regretter l’absence d’illustrations, ce manque est en partie pallié par la présence de descriptions détaillées qui permettent d’apprécier les singularités des séquences étudiées. Au-delà de sa seule problématique, l’exigence théorique de Thomas permet d’assurer les assises d’une méthodologie propre à l’analyse des images en mouvement. Loin de se restreindre aux seules études de cas, celle-ci s’offre comme un moyen de dévoiler le cinéma comme un authentique milieu producteur d’une « puissance d’ébranlement ».

 

 

 

  • FAIRE CORPS AVEC LE MONDE. DE L’ESPACE CINÉMATOGRAPHIQUE COMME MILIEU
  • Auteur : Benjamin Thomas
  • Éditions : Les éditions Circé
  • Collection : Penser le cinéma 
  • Date de parution: 18 avril 2019
  • Format : 256 pages
  • Tarif : 18 €

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