Synopsis : 1945. La Seconde Guerre mondiale a ravagé Léningrad. Au sein de ces ruines, deux jeunes femmes, Iya et Masha, tentent de se reconstruire et de donner un sens à leur vie.
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Jeune cinéaste remarqué il y a deux ans grâce à Tesnota – Une vie à l’étroit, un drame encensé par la majorité de la critique se déroulant au sein d’une communauté juive orthodoxe, Kantemir Balagov se penche cette fois-ci sur la condition des femmes dans un Léningrad ravagé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Si le réalisateur confie avoir eu plusieurs influences cinématographiques (son maître Alexandre Sokourov, Rossellini, Kalatozov, Godard…), c’est l’œuvre littéraire La guerre n’a pas un visage de femme écrite par Svetlana Aleksievitch, prix Nobel de littérature, qui a été la principale source d’inspiration pour son deuxième long-métrage. Iya (Viktoria Miroshnichenko), la « Grande Fille » du titre, et Masha (Vasilisa Perelygina) sont des infirmières hospitalières unies par un arrangement autour de la maternité. À priori diamétralement opposées, physiquement comme en caractère, les deux amies inattendues se révèlent finalement complémentaires. Ainsi, à l’instar du premier long-métrage du réalisateur, Une Grande Fille met à l’honneur le point de vue féminin. Malgré la fin des hostilités guerrières, l’ambiance dans laquelle évoluent les jeunes femmes demeure oppressante et étouffante, autant par les contraintes découlant des séquelles laissées par les combats que par leur position dans la société. La maladie d’Iya, qui provoque des spasmes et des moments de paralysie pendant lesquels il lui est impossible de respirer, contamine l’écran, transmettant aux spectateurs cette sensation d’oppression pendant plus de deux heures.
Le film, lauréat du Prix de la mise en scène à Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, s’ancre dans l’époque du récit en adoptant un classicisme avéré. L’approche très contemplative donne l’impression d’assister à une reconstitution historique à travers des fresques. Un effet amplifié par la sublime photographie de Kseniya Sereda, qui donne des allures de tableaux aux images qui défilent à l’écran. Cette construction originale et osée n’est malheureusement pas entièrement maîtrisée, amenant ainsi une lenteur et quelques longueurs inutiles. Ce problème de fluidité est d’autant plus palpable par l’allure suffocante que le réalisateur a voulu conférer au drame. Malgré ces imperfections au niveau du rythme, on ne peut que saluer l’habilité dont fait preuve le cinéaste pour dépeindre singulièrement l’URSS post-guerre. Les attentes des spectateurs vis-à-vis d’un film historique au format, à priori, classique sont rapidement détournées.
En plus du point de vue féminin déjà mentionné, un choix qui reste encore assez rare dans ce genre cinématographique, bien que désormais plus courant qu’auparavant, Kantemir Balagov insuffle des composantes résolument modernes. On mentionne notamment l’attitude des personnages, surtout celle des deux protagonistes, la manière dont il aborde la liberté des femmes sur leur corps, ou encore, la révolte féminine face à une société patriarcale. Ainsi, Une Grande Fille propose une plongée dans l’intimité et les blessures de ses héroïnes, souvent exprimées par les contrastes visuels entre les tons ternes des constructions vétustes, la froideur clinique et les touches de coloris chatoyants.
- UNE GRANDE FILLE (Dylda)
- Sortie salles : 7 août 2019
- Réalisation : Kantemir Balagov
- Avec : Viktoria Miroshnichenko, Vasilisa Perelygina, Timofey Glazkov, Andrey Bykov, Igor Shirokov, Konstantin Balakirev, Ksenia Kutepova, Olga Dragunova
- Scénario : Kantemir Balagov et Alexandr Terekhov
- Production : Sergey Melkumov et Alexander Rodnyansky
- Photographie : Kseniya Sereda
- Montage : Igor Litoninskiy
- Décors : Sergey Ivanov
- Costumes : Olga Smirnova
- Musique : Evgueni Galperine
- Distribution : ARP Sélection
- Durée : 2h17