Synopsis : Deux amis d’enfance voient leur amitié remise en cause, suite à un baiser échangé pour les besoins du tournage d’un court métrage amateur.
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Xavier Dolan relève la tâche difficile de présenter un récit toujours aussi bouleversant à travers Matthias et Maxime, sélectionné en compétition officielle au dernier Festival de Cannes. Après l’accueil mitigé de Ma vie avec John F. Donovan sortie l’année précédente, il parvient à donner une valeur très personnelle à ce récit tourné, joué et écrit entre amis dans sa langue maternelle. Celui à qui l’on reproche une réalisation souvent prétentieuse parvient à se réinventer avec un sujet sensible, mais moins pesant que ses prédécesseurs, sur la naissance et l’acceptation d’un amour non assumé, ici représenté par l’amour tabou entre deux hommes. Plus léger et plus organique que Mommy ou Juste la fin du monde, l’œuvre reprend ainsi les thèmes chers au réalisateur. Matthias, interprété avec une extrême finesse par Gabriel D’Almeida Freitas, voit ses certitudes sur l’amour et l’amitié bouleversées par ce baiser échangé avec son ami d’enfance. Maxime, incarné par Dolan, doit jongler entre ses sentiments et la relation toxique qu’il entretient avec sa mère, la talentueuse Anne Dorval qu’il retrouve pour la cinquième fois. Le réalisateur laisse exprimer toute sa sensibilité et son intelligence, en traitant cette thématique usitée, de façon moins caricaturale. Arrivés au bout d’un processus de déni inconscient, les protagonistes se retrouvent naturellement confrontés à un désir trop fort pour être ignoré.
La caméra est mise au service de l’histoire et des personnages, ne se contentant plus d’une démonstration de virtuosité technique. Le cinéaste est comme libéré de la pression du bon élève, tout en conservant une réelle ambition esthétique. Il s’autorise une réalisation plus sobre, mais efficace, servie par la photographie toujours aussi poétique de son complice André Turpin. Encore une fois excellent maestro du chaos organisé, maniant avec brio les effets de zooms in/out, au milieu de cette joyeuse bande d’amis, il nous amène au plus près des émotions ressenties par les protagonistes.
La tension palpable et électrisante est appuyée par une musique savamment choisie, orchestrée par Jean-Michel Blais. La direction d’acteurs est toujours aussi juste et précise. Les rôles secondaires nourrissent subtilement le récit, avec une mention spéciale pour le personnage interprété par Pier-Luc Funk, excellent dans le rôle du copain gay qui veille pudiquement sur ses amis, et apporte la note d’humour et de légèreté nécessaire à l’énergie du récit. Si on peut regrette le traitement caricatural des personnages féminins, à l’image de ces mères étouffantes à la logorrhée inépuisable, il se dégage dans Matthias et Maxime une vitalité et une sensualité nouvelle dans le cinéma de Dolan qui lui va très bien.
Laura Sztajnkrycer
- MATTHIAS ET MAXIME
- Sortie salles : 16 octobre 2019
- Réalisation : Xavier Dolan
- Avec : Gabriel D’Almeida Freitas, Xavier Dolan, Anne Dorval, Pier-Luc Funk, Samuel Gauthier, Adib Alkhalidey, Catherine Brunet, Antoine Pilon, Micheline Bernard, Marilyn Castonguay, Harris Dickinson
- Scénario : Xavier Dolan
- Production : Xavier Dolan, Nancy Grant
- Photographie : André Turpin
- Montage : Xavier Dolan
- Décors : Colombe Raby
- Costumes : Pierre-Yves Gayraud, Xavier Dolan
- Musique : Jean-Michel Blais
- Distribution : Diaphana
- Durée : 1h59