Résumé : Les relations entre les deux arts du temps et du mouvement, cinéma et danse, ont déjà fait l’objet de divers travaux, mais le plus souvent dans la perspective des croisements disciplinaires habituels : distinguer ce qui relève du cinéma ou de la danse, affirmer la primauté de l’un-e sur l’autre, voire subordonner l’un-e à l’autre ou évaluer les gains et les pertes (ce que le cinéma y gagnerait, ce que la danse y perdrait). Pour sortir du système des arts, ce livre propose alors d’analyser les gestes dans l’espace filmique, leur découpe spatiale et temporelle par la caméra et le montage à l’aune d’une pensée chorégraphique contemporaine en considérant un large corpus de films pris dans tous les cinémas, des débuts aux plus contemporains. Créateurs (Ch. Rizzo, J. Pérez, N. Provost) et théoriciens (X. Baert, L. Barré, C. Borges, A. D’Azevedo, A. de Morant, L. Guido, A. Heidelberger-Delabroy, D. Tomasovic) participent à cette discussion pour explorer la possibilité d’une « danse des images » où chorégraphique et musicalité du film conversent.
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Pour bien saisir la singularité de cet ouvrage, il s’agit de nuancer l’origine de son propos. Car plutôt que de pluridisciplinarité c’est bien une approche interdisciplinaire qui guide la démarche des recherches coordonnées par Térésa Faucon, maître de conférences à l’université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 en études cinématographiques, et Caroline San Martin, maître de conférences à l’université Paris I – Panthéon Sorbonne en écritures et pratiques cinématographiques, scénariste et consultante à l’écriture. Il y a donc ici une volonté de reconnaître la rencontre entre pratique de la danse et celle du cinéma non sous l’angle de la comparaison mais d’une pénétration aux multiples atours. Cette multiplicité se retrouve d’ailleurs à travers l’identité des auteurs. L’écriture des chercheurs répond en effet à la parole des créateurs (les artistes plasticiens Nicolas Provost et Javier Pérez ou le musicien, danseur et chorégraphe Christian Rizzo qui, au cours d’articles et d’entretiens, reviennent sur les qualités cinématographiques et chorégraphiques de leurs œuvres respectives), pour tisser un réseau de liens et de pistes d’analyse. Ces dernières se situent au carrefour de réflexions et d’exemples qui s’orientent vers les marges des recherches traditionnelles : cinématographies des premiers temps, cinéma expérimental (Andy Warhol, Richard Serra, Stanley Brakhage, Norman McLaren, Maya Deren…), films de fiction indirectement marqués par la danse (Mes séances de lutte de Jacques Doillon, Chocolat de Claire Denis), ou cinématographies nationales trop souvent minorées (le cinéma indien, en dehors des exportations bollywoodiennes). À ce parcours cinématographique correspond une volonté d’aborder la danse à travers une perspective à l’historicité profuse (la danse serpentine, la post-modern dance, la danse contemporaine ou traditionnelle). Les analyses s’attardent sur la mobilité de motifs, la représentation des corps façonnés par les images, la structure du dispositif cinématographique envisagé comme une mécanique marquée par le tremblement du pas dansé. Entre la figuration et le figural, les écrits profitent de la présence d’illustrations qui permettent de préciser les enjeux de leurs réflexions, ainsi que d’un index des noms balisant leur lecture. Cet ouvrage collectif permet en définitive d’approfondir les enjeux d’une recherche syncrétique placée sous le signe du décalque des signes et de la superposition des sens.
- CHOREGRAPHIER LE FILM. GESTES, CADRE, MONTAGE
- Actrices : Térésa Faucon et Caroline San Martin (sous la direction de)
- Éditions : Mimésis
- Collection : Formes filmiques
- Langues : français uniquement
- Date de parution : 14 novembre 2019
- Format : 254 pages
- Tarif : 22 €