Série / The End Of The F***ing World (saisons 1 et 2) : critique

Publié par Joanna Wadel le 24 novembre 2019

Synopsis : Un ado psychopathe en herbe et une rebelle en quête d’aventure embarquent pour un road trip d’enfer dans cette série à l’humour noir inspirée d’un roman graphique.

♥♥♥♥♥

 

The End Of The Fucking World - affiche

The End Of The Fucking World – affiche

Disponible depuis le 5 novembre sur Netflix, la saison 2 de The End Of The F***ing World – annoncée depuis comme étant la dernière par sa scénariste – vient clore en beauté l’odyssée chaotique d’Alyssa et James, débutée en 2017. Signée Charlie Covell pour la chaîne britannique Channel 4, la série conte l’histoire d’amour claudicante de deux estropiés, qui décident de fuir leur patelin en quête d’une once de raison de vivre. Un an et demi et un franc succès plus tard, cette seconde salve d’épisodes s’appuie sur la nostalgie de la première, qui voyait le road trip foireux des adolescents s’achever en tragédie, James potentiellement tué par la police. Conséquence d’un crime et d’une suite de délits provoqués par les ados dans leur fugue, cette conclusion amère s’avérait fidèle à l’histoire du roman graphique éponyme de Charles Forsman, dont la série est adaptée. La BD épuisée, la virée aurait pu s’arrêter là. Pourtant, ces huit derniers épisodes inédits prolongent l’aventure avec brio. La Londonienne Charlie Covell y propose un envers efficace de la saison 1, qui étoffe les personnages et nuance la philosophie nihiliste portée par Alyssa et James. Cruauté, humour noir, galerie de tronches patibulaires, mines déphasées… Les incontournables ressorts de la série sont bien sûr de retour, mais l’horizon pessimiste s’éclaircit quelque peu, offrant un épilogue plus réjouissant aux deux héros. Ode aux inadaptés, The End Of The F***ing World et son esprit branché aux accents grunge s’inscrit dans la veine d’After Life, Misfits ou Fleabag, des séries britishs à l’humour caustique emmenées par des antihéros désespérés, losers, flegmatiques, tenus en échec par les idéaux d’une société toujours plus exigeante. D’irréductibles marginaux truffés d’imperfections qui assument leurs défauts, et souvent leur bêtise. Ces misfits – forcément cool – sont en proie à leurs angoisses, nous ressemblent, et ont le vent en poupe.

 

The End Of The Fucking World

The End Of The Fucking World

 

Blasés et déjà las de tout du haut de leurs 17 ans, Alyssa et James incarnent à la perfection cette mouvance. Ils semblent à la fois avoir tout et rien vécu, trouvent la nourriture, le sexe, et même le bonheur, bien vain. Épuisés, ils sont le reflet de l’existence morne que mènent leurs parents. Ce qui permet au passage de décortiquer avec mordant certains mécanismes de nos sociétés. La famille et la vie maritale passent à la moulinette, et se trouvent ringardisées par la liberté insolente des ados.

 

Mais sous son enveloppe rebelle et « anti-tout », The End Of The F***ing World recèle de messages pédagogiques extraits de l’oeuvre de Forsman, qui fait du « non » un outil d’émancipation. Non à l’ennui, aux concessions, à l’insatisfaction… Le refus de la contrainte sert de fil conducteur à l’errance des Bonnie and Clyde improvisés. Les choix en apparence égocentriques d’Alyssa, qui brise son mariage à peine prononcé, et de James, qui quitte son père triste et veuf en volant sa voiture, leur apprennent à savoir qui ils sont, ce qu’ils veulent, et finalement, à faire preuve d’empathie. C’est en sachant être à l’écoute d’eux-mêmes qu’ils peuvent être à l’écoute des autres. Ce même cheminement met les comparses sur la voie de la guérison.

 

The End Of The Fucking World

The End Of The Fucking World

 

Chose plus rare, la série qui pousse ses héros à s’affirmer fait la part belle au consentement. Alyssa et James se consultent avant de se toucher, s’enquièrent de leurs ressentis respectifs. Chacun veille à respecter la volonté et l’espace de l’autre, même dans la séduction. Cette vigilance jalonne le récit, et contraste avec le discours transgressif mis en avant. Se faisant, Charlie Covell inscrit The End Of The F***ing World dans son temps, exploitant le thème éculé d’une jeunesse en perte de repères, pour rappeler les bienfaits du renoncement. Savoir dire non pour ne pas se perdre, ne pas se laisser absorber par les concessions, les relations, les autres. Savoir dire non pour se préserver. À travers ses personnages, la série pose des limites essentielles qui tranchent avec la culture de la convention, et tendent à les protéger des rapports malsains. « Le problème des gens qui manquent d’amour, c’est qu’ils ignorent à quoi ça ressemble. C’est facile de les manipuler. », explique Alyssa à propos de Bonnie, aveuglée par son attachement à Clive, qu’elle refuse de voir comme un violeur.

 

Briser les codes pour mieux les comprendre, redonner du sens à un monde où les automatismes règnent, affronter la peur du vide, The End of The F***ing World se révèle être un formidable manuel de survie enrobé dans une odyssée sardonique et terre-à-terre. Le point final apporté par Charlie Covell à cette excellente fiction, brève, graphique et universelle, en fait l’une des séries les plus abouties de ces dernières années.

 

Joanna Wadel

 

 

 

  • THE END OF THE F***ING WORLD
  • Série intégrale deux saisons
  • Diffusion : depuis le 5 janvier 2018
  • Chaîne / Plateforme : Netflix
  • Création : Charlie Covell
  • Avec : Alex Lawther, Jessica Barden, Naomi Ackie, Gemma Whelan, Wunmi Mosaku, Steve Oram, Christine Bottomley, Navin Chowdhry, Barry Ward, Jonathan Aris…
  • Scénario : Charlie Covell d’après l’oeuvre de Charles Forsman
  • Format : 8 épisodes de 25 minutes

 

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