Synopsis : Paul, un jeune garçon solitaire, rencontre Gloria, la nouvelle patiente de la clinique psychiatrique où travaille sa mère. Tombé amoureux fou de cette adolescente trouble et solaire, Paul va s’enfuir avec elle, loin du monde des adultes…
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Après Calvaire et Alleluia, Adoration vient clôturer la trilogie des Ardennes réalisée par Fabrice du Welz, centrée sur l’amour sous sa forme psychopathe. On peut considérer ce troisième volet comme une sorte de prequel aux deux autres. Gloria semble être le personnage liant les trois longs-métrages. Ex-femme disparue d’un villageois esseulé et tortionnaire dans Calvaire, elle est une mère de famille quadragénaire qui s’éprend éperdument d’un escroc dans Alleluia. On la retrouve ici en tant que toute jeune fille de quatorze ans, internée contre son gré dans une clinique psychiatrique par sa famille. Il s’agit donc d’un film initiatique où Gloria (Fantine Harduin) et Paul (Thomas Gioria), guidés par leur naïveté et leur imagination débordante, se transforment au cours de la fugue qu’ils entreprennent ensemble vers une destination abstraite. L’esthétique épurée, accentuée par l’utilisation de l’argentique, caractéristique chez Fabrice du Welz, s’accorde aux thématiques de la naissance, de la découverte et de l’initiation. Les décors sont majoritairement naturels et la photographie de Manuel Dacosse (Alleluia, Évolution) joue constamment sur un clair-obscur à partir des lumières de cet environnement.
Dès le début, on est inévitablement touchés par la forte complicité qui se crée entre les deux protagonistes, venant mettre un terme à leur solitude. Pourtant, ce qui aurait pu être la simple mise en œuvre d’un fantasme enfantin prend une tournure beaucoup plus sombre et complexe en raison du mystère qui plane autour de Gloria. Un côté énigmatique amplifié par la perspective qui adopte majoritairement le point de vue de Paul. Ainsi, le doute s’installe à mesure que ce qui avait commencé comme un jeu innocent se concrétise. Gloria est-elle victime d’une cruelle injustice ou vraiment dangereuse ? Existe-t-il réellement de l’amour au sein du jeune couple ou est-ce seulement un mirage, fruit de la psychose de Gloria couplée à la candeur de Paul ? Ce dernier est-il en fait totalement manipulé ? Jusqu’à quel point sont-ils inconscients de la gravité de leurs actes ?
Au-delà du trouble semé autour des personnalités des héros, le cinéaste belge opère un tour de force dans sa manière de mettre les spectateurs dans une position inconfortable. Il nous rend à la fois complices de cette idylle émouvante et nous donne l’impression qu’elle peut basculer dans une nocivité irréversible à tout moment.
La réussite de cette retranscription d’émotions intenses à l’écran, tout en laissant une place importante à la suggestion et à l’incertitude, tient en grande partie à l’excellent jeu d’acteur des comédiens principaux, tous deux âgés d’à peine treize ans au moment du tournage. Malgré leur jeune âge, ils ont déjà une expérience conséquente devant la caméra. Fantine Harduin a été révélée au grand public en 2017 avec la nomination à Cannes de Happy End de Michael Haneke, avant d’interpréter la fille de Romain Duris pour Dans la brume l’année suivante. De son côté, Thomas Gioria a déjà été nommé aux César 2019 dans la catégorie Meilleur espoir masculin grâce à sa prestation dans Jusqu’à la garde de Xavier Legrand.
Fabrice du Welz, qui a précisé que sa première source d’inspiration pour réaliser ce dernier volet a été La Nuit du Chasseur, conclut sa trilogie ardennaise avec une relecture déconcertante de ce grand classique du septième art qui sous-entend que le danger ne vient pas forcément de l’extérieur, mais potentiellement des héros.
- ADORATION
- Sortie salles : 22 janvier 2020
- Réalisation : Fabrice du Welz
- Avec : Thomas Gioria, Fantine Harduin, Benoît Poelvoorde, Laurent Lucas, Gwendolyn Gourvenec, Charlotte Vandermeersch, Peter Van den Begin, Martha Canga Antonio, Anaël Snoek, Jean-Luc Couchard
- Scénario : Fabrice Du Welz, Vincent Tavier, Romain Protat
- Production : Manuel Chiche et Vincent Tavier
- Photographie : Manuel Dacosse
- Montage : Anne-Laure Guégan
- Décors : Manu Demeulemeester
- Costumes : Christophe Pidré et Florence Scholtes
- Musique : Vincent Cahay
- Distribution : Les Bookmakers / The Jokers
- Durée : 1h38