Synopsis : Début 1990. Un groupe de Cubains installés à Miami met en place un réseau d’espionnage. Leur mission : infiltrer les groupuscules anti-castristes responsables d’attentats sur l’île.
♥♥♥♥♥
Cuban Network marque un retour au thriller géopolitique pour Olivier Assayas. Le cinéaste qui a remporté un Golden Globe en 2011 pour Carlos, se penche cette fois sur l’adaptation au cinéma du livre Os Últimos Soldados da Guerra Fria écrit par le journaliste-biographe Fernando Morais. C’est le producteur brésilien Rodrigo Teixeira (Call Me By Your Name), alors détenteur des droits de l’œuvre, qui a contacté Charles Gillibert, producteur attitré d’Assayas, pour proposer une collaboration autour de ce projet. L’histoire réelle porte sur les Cuban Five, un groupe d’espions cubains du Wasp Network, envoyés en Floride afin d’infiltrer les organisations d’exilés anticastristes qui planifient des attaques contre la « République Socialiste » de leur pays d’origine. Le film sélectionné en compétition officielle à la dernière Mostra de Venise jongle habilement entre la vie privée de ces taupes et les relations politiques cubo-étasuniennes dans les années 1990. Assayas relève admirablement le défi titanesque de porter à l’écran une intrigue qui se déroule sur plusieurs années et qui comporte une multitude de couches narratives. L’incessante alternance entre les différents points de vue permet de faire ressortir la complexité et les paradoxes de cette situation diplomatique tendue. Bien qu’il n’y ait aucun parti pris concernant les deux gouvernements, l’empathie est installée d’emblée avec certains personnages.
Ainsi, on retrouve au centre du film le pilote d’avion idéaliste René Gonzalez et son épouse Olga, respectivement interprétés par Edgar Ramirez (récompensé sur César du meilleur espoir masculin pour Carlos) et Pénélope Cruz. Le duo d’acteurs talentueux, dont l’alchimie était déjà visible lorsqu’ils interprétaient Gianni et Donatella Versace dans la deuxième saison d’American Crime Story, est sans doute l’un des atouts majeurs. De son côté, Gael García Bernal incarne le leader du Wasp Network. Quant à Wagner Moura, le Pablo Escobar de la série Narcos, il interprète Juan Pablo Roque, un dissident de l’armée de l’air cubaine très matérialiste qui tient plus à sa Rolex et à sa Jeep qu’à sa femme. On découvre cette dernière sous les traits d’Ana de Armas, actrice qui s’est récemment distinguée dans le thriller à énigmes À couteaux tirés. Les intrigues secondaires qui, paradoxalement, portent souvent sur des événements à impact international, viennent ponctuer ces histoires personnelles qui sont mises au premier plan.
Après une première moitié où l’on suit l’évasion de René Gonzalez et Juan Pablo Roque, on nous révèle rapidement les dessous de l’enjeu principal. Un choix apparemment osé, car il peut donner la sensation qu’il ne reste plus rien d’intéressant à montrer, et servant parfaitement le propos. Ce twist à mi-chemin nous amène à considérer les faits qu’ils voient sous plusieurs angles. Cette narration éclatée et composée de va-et-vient, un peu déroutante par moments, apporte une touche de réalisme, dans la mesure où elle se démarque d’un thriller d’espionnage entièrement monté où le dénouement répond à une logique qui sert entièrement l’intrigue. La photographie de Yorick Le Saux et de Denis Lenoir, ainsi que le montage souvent frénétique de Simon Jacquet donnent un style assez grandiose, évocateur des productions hollywoodiennes. Grâce en grande partie à sa narration peu conventionnelle, Cuban Network s’affranchit du schéma typique du genre thriller/film d’espionnage pour ainsi dévoiler des destins individuels et l’histoire collective qui s’influencent mutuellement.
- CUBAN NETWORK (Wasp Network)
- Sorties salles : 29 janvier 2020
- Réalisation : Olivier Assayas
- Avec : Pénélope Cruz, Edgar Ramirez, Gael García Bernal, Wagner Moura, Ana de Armas, Leonardo Sbaraglia, Nolan Guerra Fernandez, Osdeymi Pastrana Miranda, Tony Plana, Julian Flynn, Gisela Chipe
- Scénario : Olivier Assayas
- Production : Rodrigo Teixeira, Charles Gillibert, Lourenco Sant’Anna, Alexandre Mallet-Guy, Matteo de Castello, Geneviève Lemal
- Photographie : Yorick Le Saux et Denis Lenoir
- Montage : Simon Jacquet
- Décors : François-Renaud Labarthe
- Costumes : Jürgen Doering et Samantha Chijona
- Musique : Eduardo Cruz
- Distribution : Memento Films
- Durée : 2h07