Résumé : Entrer dans un film par la danse, cela suppose qu’à un moment au moins quelqu’un ou quelque chose danse. Mais au-delà de la comédie musicale, où la chorégraphie et la musique sont reines, il arrive qu’un film se mette soudain à danser. Et ça danse partout, n’importe où, dans l’eau avec Esther Williams, dans une cabane avec Charlie Chaplin, en boîte de nuit avec Rita Hayworth ou au Far West avec Henry Fonda. Le peuple de Casque d’or valse dans les bastringues, les aristocrates du Guépard dans les raouts. Tout le monde se retrouve au Cabaret de Bob Fosse. Lola de Jacques Demy fait un duo avec Lola Montès de Max Ophuls. Des figures crèvent l’écran, Isadora Duncan ou Rudolph Valentino, Elvira Madigan ou Pina Bausch. Ainsi cet ouvrage s’empare-t-il des films et de la danse pour les réunir dans une lecture nouvelle, comme un pas libre au plus loin des genres attendus.
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Entre le panorama historique, la description figurative, et l’analyse des formes subliminales de la posture, du geste et de la démarche dansée, le présent ouvrage propose une réjouissante redécouverte des rapports entretenus par l’art chorégraphique et l’art cinématographique. Hervé Gauville, essayiste, critique chorégraphique, ancien responsable de la rubrique des arts plastiques à Libération, et enseignant à la Haute École d’art de design de Genève, associe le plaisir du foisonnement cinéphile à une rigueur toute scientifique pour offrir à son étude une approche singulière et ludique. Types de danse (ballet aquatique, solo, transe), genre cinématographique (le biopic), personnalité (Rita Hayworth) et lieux (piscines, bals populaires, soirées dansantes, cabarets…) bénéficient de commentaires attentifs empruntant tantôt à la démarche descriptive, tantôt à la réflexion philosophique, pour apparaître comme d’authentiques figures hybrides condensant les principes communs aux deux disciplines (espaces, temps, corps, mouvements). Traversée par les énergies de la danse, le cinéma s’assume comme un formidable laboratoire de gestes qui ne cessent de se réinventer sous les yeux des spectateurs. Des danses serpentines qui accompagnèrent les débuts du Cinématographe des frères Lumière aux mouvements synchrones des nageuses de Naissance des pieuvres en passant par les expérimentations subaquatiques et audio-visuelles de Jean Painlevé ou des solos composés par Charlie Chaplin, Luc Moullet ou Kim Hye-ja, l’auteur décline les étapes d’une autre histoire du cinéma, peuplées d’acteurs et de motifs aptes à transgresser l’hermétisme des pratiques et des genres.
Portée par une élégance certaine, l’écriture de Gauville propose ainsi des études d’interprétations situées entre le jeu et la performance, des rencontres fantasmées (Rita Hayworth et Isadora Duncan), et des thématiques transversales rapprochant les modalités du champ cinématographique avec celles de l’espace scénique (voir l’excellent chapitre consacré à Lola Montès). Sans jamais opter pour une approche comparative dont le risque tient en penchant naturel pour le didactisme, Gauville souligne la pertinence d’une problématique qui semble s’imposer de soi.
L’intelligence de l’auteur fut donc de la prendre comme telle sans chercher à la justifier inutilement, n’hésitant pas à piocher dans un large corpus de films pour illustrer ses propos (cinéma classique et contemporain, hollywoodien, français ou sud-coréen…). À ces évidentes qualités d’écritures et de réflexions s’ajoute une belle mise en page proposant quelques illustrations. On regrettera malgré tout l’absence de captures d’écran qui auraient permis de seconder les belles analyses proposées par l’auteur. Reste que cette étude s’affirme comme une franche réussite à la croisée de la passion cinéphile et de l’amour de la danse.
- LE CINÉMA PAR LA DANSE
- Auteur : Hervé Gauville
- Éditions : Capricci
- Langues : Français uniquement
- Date de parution : 2 janvier 2020
- Format : 176 pages
- Tarif: 22 € (print) – 8,99 € (numérique)