L’acteur américain centenaire, père de Michael Douglas, est décédé dans la nuit du 5 au 6 février 2020, à Beverly Hills en Californie. Actif de 1946 à 2008, il lègue une carrière foisonnante, engagée, faite de grands succès hollywoodiens et de pépites du cinéma européen. Retour sur cinquante ans de cinéma.
Il était l’un des derniers doyens de l’âge d’or d’Hollywood. Il aura traversé l’histoire du cinéma américain, incarné Spartacus, Van Gogh, Ulysse, Ned Land, Doc Holliday, tourné pour Brian De Palma, Stanley Kubrick, Howard Hawks, Joseph L. Mankiewicz, Vincente Minnelli, Otto Preminger, Billy Wilder, reçu le Cecil B. DeMille Award en 1968, un César d’honneur en 1980, la Médaille présidentielle de la Liberté, l’Oscar d’honneur en 1996, créé et dirigé une fondation pour les enfants défavorisés… La liste est encore longue.
Kirk Douglas, de son vrai nom Issur Danielovitch Demsky, père de Michael Douglas, est décédé dans la nuit du 5 février 2020 à Beverly Hills, de causes naturelles. Il venait de fêter ses 103 ans le 9 décembre dernier.
Une perte immense qui laisse le septième art en deuil, tant la contribution à l’industrie de l’acteur, producteur et réalisateur fût grande. En plus de cinquante ans de carrière, Kirk Douglas aura joué dans près d’une centaine de films, et produit, via son label Bryna Productions lancé en 1955, quelques grands classiques dont Le Dernier Train de Gun Hill de John Sturges (1959), Les Vikings de Richard Fleischer (1958) et Spartacus de Stanley Kubrick (1960) – dans lesquels il s’est illustré.
Un producteur engagé
L’interprète, excellent francophone, était également connu pour ses opinions progressistes. Fervent démocrate, ses choix de producteur reflétaient ses engagements anti-racistes, anticolonialistes, dénonçant l’absurdité de la Grande Guerre avec Les Sentiers de la gloire (de Stanley Kubrick), et soutenant le scénariste Dalton Trumbo pour clore définitivement les saccages du maccarthysme. Ne laissant pas le temps le réduire au silence, il a signé en septembre 2016 une tribune dans laquelle il mets en garde contre les idées que porte le candidat Donald Trump et sa « stratégie de la peur », qu’il rapproche de celle de la Grande Dépression et de la montée du nazisme.
Lauren Bacall, une rencontre décisive
Né le 9 décembre 1916 dans l’État de New-York, quatrième fils d’une famille juive de sept enfants, originaire de Biélorussie, Issur Danielovitch se tourne vers la comédie dès 1939 en foulant les planches new-yorkaises, époque où il décide de changer son nom pour Kirk Douglas. Étudiant l’art dramatique, il rencontre la future Lauren Bacall, qui lui offrira en 1946 un rôle de premier plan au côté de Barbara Stanwyck dans L’Emprise du crime, film noir de Lewis Milestone, en le proposant au producteur Hal B.Wallis. Douglas cumule ensuite les bons castings, en donnant la réplique à Robert Mitchum dans La Griffe du passé (1947), et Burt Lancaster dans L’Homme aux abois (1948).
En contrat avec la Warner depuis Le champion (1949), film de boxe et succès de Mark Robson, il met fin à cette collaboration avec La Vallée des géants en 1952. Dans les années 1950 et 1960, l’acteur enchaîne les grosses productions, passant du western qui évoque le sort des amérindiens La Captive aux yeux clairs d’Howard Hawks, au film noir Les Ensorcelés de Vincente Minnelli, qu’il retrouvera pour La vie passionnée de Van Gogh, inspiré du roman dont il achète les droits en 1956.
Péplums, westerns et consécration
Il s’impose alors dans les genres populaires de l’époque, comme le péplum avec le culte Spartacus de Kubrick – dont il pousse la production face au succès de Ben-Hur et dans lequel il incarne l’esclave thrace -, le western (L’Homme qui n’a pas d’étoile, Règlements de comptes à O.K. Corral, Seuls sont les indomptés, El Perdido, La Route de l’Ouest, La Caravane de feu, Le Reptile), les films d’aventures (Au fil de l’épée, Vingt Mille Lieues sous les mers, Les Vikings, Ulysse) et le polar (Histoire de détective, Un détective à la dynamite). On lui doit également le rôle principal de la pièce Vol au-dessus d’un nid de coucous, adapté au cinéma en 1975 par Milos Forman, film éponyme produit par son fils Michael Douglas.
Après un détour par le Nouvel Hollywood avec Furie, thriller SF de Brian De Palma sorti en 1978, et deux tentatives peu fructueuses de réalisation (La Brigade du Texas, Scalaway), Kirk Douglas s’essaie au petit écran dans le téléfilm de 1985 Meurtre au crépuscule (Amos), où il incarne un « grand-père justicier », pensionnaire d’une maison de retraite dont l’infirmière en chef, jouée par Elizabeth Montgomery, fait disparaître mystérieusement certains résidents. La même année, il est fait chevalier de la Légion d’honneur par Jack Lang.
Actif tardivement malgré des problèmes de santé dus à son grand âge, Douglas apparaîtra pour la dernière fois à l’écran en 2008, dans le téléfilm Meurtres à l’Empire State Building, fiction de William Karel et clin d’œil aux films noirs américains des années 1930-1940.
L’écriture, son autre passion
Également écrivain, l’acteur a publié 10 livres dont plusieurs romans (The Gift, Last tango in Brooklyn, Dance with the Devil), ainsi que ses mémoires Le Fils du chiffonnier (en référence à son père), dont la première partie est parue en 1988, et les trois autres en 2000, 2002 et 2006. Il y évoque notamment sa quête de reconnaissance envers son père, qu’il décrit comme indifférent, son expérience d’enfant issu d’une famille nombreuse, ses anecdotes de tournage, la découverte tardive de sa judéité, ou encore son accident vasculaire cérébral survenu en 1996.
En 2012, il revient sur le développement de Spartacus, son film phare, avec l’ouvrage I Am Spartacus ! : Making a Film, Breaking the Blacklist – dont la préface est signée par George Clooney. Il y raconte comment le métrage a été élaboré alors que la liste noire du maccarthysme, traquant les sympathisants communistes, s’en prenait à nombre d’auteurs dont Dalton Trumbo, qui sera scénariste du projet, mené de bout en bout par Douglas.
Multiprimé, célébré et érigé en légende du cinéma de son vivant, Kirk Douglas aura marqué son art comme peu d’acteurs l’ont fait. Il laisse derrière lui un pan de l’Histoire du septième art, une carrière riche et polyvalente et une fondation à son nom, créée en 1964 avec son épouse Anne en soutien aux enfants en difficulté. Marié deux fois, il aura eu quatre fils, dont l’acteur Eric Douglas décédé d’une overdose en 2004, l’acteur Michael Douglas, son frère Joël et le producteur Vincent Peter Douglas, issus de ses différentes unions. Ses derniers lui ont donné sept petits-enfants, et une arrière-petite-fille.
Le décès de l’artiste a été annoncé par son fils, Michael Douglas, dans un émouvant communiqué publié sur Instagram. Il était l’une des dernières stars de l’âge d’or d’Hollywood a être encore en vie, avec l’actrice Olivia de Havilland (Autant en emporte le vent), sœur de Joan Fontaine née le 1er juillet 1916, qui a débuté sa carrière en 1935. Selon Deadline, les funérailles privées de Kirk Douglas auront lieu prochainement.