Résumé : La date : 2058. Le metteur en scène Charles Bernet travaille au couronnement de trente années d’une carrière glorieuse en préparant son prochain film, basé sur un scénario mûri depuis sa jeunesse. Il mène une vie agréable dans sa merveilleuse villa robotisée, avec son épouse à la jeunesse quasi-éternelle, entre haute visibilité médiatique et stratégies fines pour réunir le financement de son nouveau projet. Le tournage commence, mais un brutal accident de train l’interrompt, laissant Charles paralysé sur un lit d’hôpital. Gustave, un assistant au talent prometteur, est choisi pour prendre sa suite. Son inexpérience va-t-elle détruire ce que Charles considère comme le projet d’une vie? Et comment un mystérieux professeur de Scrabble rencontré lors de sa rééducation va-t-il lui apprendre à surmonter cette épreuve terrible?
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Alors qu’il est devenu de plus en plus compliqué de se procurer des nouveautés littéraires en format papier, partir à la recherche d’éditions numériques est devenu une nécessité. Par chance, un certain nombre d’éditeurs ont déjà opté pour ce moyen de diffusion et peuvent donc rassasier notre faim de culture en ces temps compliqués. Paiement accepté, second roman graphique de Ugo Bienvenu, artiste aux multiples casquettes (dessinateur, scénariste, réalisateur…), associe avec certaine subtilité le récit futuriste au drame intimiste. Narrant le périple du réalisateur français Charles Bernet qui voit son ambition de réaliser un film de science-fiction entravé par un accident de train, l’album explore les affres de la création artistique, entre ironie grinçante et prise de conscience salvatrice. Forcé de réfléchir le cours de son existence, le héros entame une rééducation physique et morale qui le conduira à réévaluer les valeurs de son art. Ces différents enjeux travaillent le style de l’auteur qui situe son récit dans le futur pour mieux rappeler la nécessité de revenir à l’instant. Le ton délibérément édulcoré du dessin semble affirmer ce nécessaire détour, hors de l’écran et de ses rêves sucrés. L’énergie pop qui anime le chromatisme des cases rappelle parfois l’esprit des toiles de Roy Lichtenstein, tandis que les personnages convoquent les archétypes pour mieux s’en distancier. Le producteur prend les traits de Donald Trump, tandis que le réalisateur se complaît dans un rôle de poète maudit. Son projet cinématographique semble une lointaine allusion au goût pour la SF d’un Alain Resnais ou aux affres du réalisateur filmé par Antonioni dans Identification d’une femme, tandis que son ultime retour à la simplicité des dialogues se matérialise à travers un grotesque baroque qui n’est pas sans rappeler la poésie au raffinement cru de Paolo Sorrentino. Le basculement est constant, de l’imaginaire au réel, des fantasmes bariolés aux milles nuances composées par les lettres placées sur le plateau du scrabble promu outil thérapeutique. L’effet procuré par Paiement accepté est assez semblable à celui d’un film d’Harmony Korine (on songe notamment à Spring Breakers et The Beach Bum). Au fil des dessins, au fur et à mesure des images, les couleurs rutilantes coulent pour acquérir une transparence troublante. Derrière le décor de carte postale, la chair et les sentiments.
- PAIEMENT ACCEPTÉ
- Auteur : Ugo Bienvenu
- Éditions : Denoël
- Collection : Denoël Graphic
- Date de parution : 18 mai 2017
- Langues : Français uniquement
- Format : 144 pages
- Tarif : 21,90 € (format print) – 15,99 € (version numérique sur Eden Livres)