La Chute de la maison Usher de Jean Epstein : critique

Publié par Jacques Demange le 10 avril 2020

Synopsis : Allan vient au secours de son ami Roderick Usher qui vit dans une maison où règne une atmosphère étrange. Lady Madeleine, sa femme, meurt dans de mystérieuses circonstances. Son mari refuse de croire à cette mort et interdit de clouer le cercueil. Il est persuadé que sa bien-aimée va revenir. Elle reparaît une nuit et le couple s’enfuit tandis que la demeure s’écroule.

♥♥♥♥♥

 

La Chute de la maison Usher de Jean Epstein

La Chute de la maison Usher de Jean Epstein

Si les tournages et sorties de films sont aujourd’hui repoussées à des dates indéfinies, le confinement ne doit pas laisser notre appétit de culture à la diète. Grâce à la création de la plateforme « Henri », la Cinémathèque française propose ainsi de repartir à la découverte de sa riche collection… depuis notre salon. Depuis le jeudi 9 avril, c’est La Chute de la maison Usher qui est mis à l’honneur. Réalisé en 1928 par Jean Epstein, ce film muet se présente comme une époustouflante synthèse de l’art et la manière du cinéaste.  Au scénario, Luis Bunuel (par ailleurs assistant-réalisateur d’Epstein) a choisi de s’inspirer de deux nouvelles d’Edgar Allan Poe, Le Portrait ovale et La Chute de la maison Usher qui donne donc son titre au film. L’Espagnol récupère à son compte l’atmosphère macabre et l’esprit fantastique des récits de l’auteur américain pour y articuler certaines tonalités propres à cette fin des années 1920 qui le vit marquer les débuts du surréalisme au cinéma avec son court métrage Un chien andalou (1929). La proximité entre le langage du poète et celui du cinéaste est avant tout visuelle. La mise en scène d’Epstein retrouve en effet le sens du détail de Usher à travers un retour au motif élémentaire. Vent et orage, feu et pluie agitent communément les plans. Soudain, une bourrasque emporte le décor gothique pour entraîner la caméra dans un mouvement instable. Nous sommes loin des majestueux travellings qui traverseront deux décennies plus tard l’adaptation de La Belle et la Bête de Jean Cocteau. La Chute de la maison Usher façon Epstein écorche et éviscère l’univers romantique qui sert de cadre à son récit. On pense bien sûr au célèbre œil tranché par Bunuel, mais la manière du cinéaste français se situe ailleurs, tirant sa singularité d’une force intérieure qui, progressivement, remonte à la surface. C’est la fameuse puissance extatique de la photogénie, cette trace sensible d’un mystère enfoui et que seul le cinéma peut révéler au grand jour.

 

La Chute de la maison Usher

La Chute de la maison Usher

 

Les gros plans de Jean Debucourt associent à la volupté du noir et blanc l’expression fissurée des tourments de l’âme. Le résultat est aussi exquis que la vision d’un cadavre qui serait ramené à la vie et annonce les contre-plongées de Romero sur les corps décharnés de ses zombies. Et puis, il y a cette demeure dont la personnification annonce les futurs maisons hantées qui, de L’Aventure de madame Muir de Mankiewicz à Shining de Kubrick, ne cesseront d’exciter l’imaginaire des cinéphiles. C’est dire la valeur matricielle qui se rattache à l’œuvre d’Epstein.

 

Loin d’être un prétexte à l’exécution de prouesses visuelles, le fantastique explicite ici les origines de l’art cinématographique. Ramener des fantômes parmi les vivants comme, dix années plus tôt, Abel Gance le pressentait avec J’accuse, ouvrir l’obscurité de la salle à la lumière du l’irréel, associer le palpable du naturalisme à l’illusion lyrique. Aussi belle que réussie, l’idée touche le spectateur au cœur. Le film nous ramène à ces années où la caméra devenait le nouvel instrument privilégié des poètes. Car c’est de cette association entre littérature et cinéma que La Chute de la maison Usher est principalement tributaire. Entre le mouvement dilaté des images et la mécanique, parfois emballée, du montage, Epstein retrouve le dialogue du vers et de la prose qui assurait l’efficience romanesque de Poe. À (re)découvrir absolument.

 

 

 

  • LA CHUTE DE LA MAISON USHER
  • Disponible en ligne et gratuitement sur la plateforme « Henri » de la Cinémathèque française
  • Réalisation : Jean Epstein assisté de Luis Bunuel
  • Avec : Jean Debucourt, Marguerite Gance, Charles Lamy, Fournez-Goffard, Luc Dartagnan
  • Scénario : Luis Bunuel, à partir du Portrait ovale et La Chute de la maison Usher, deux nouvelles d’Edgar Allan Poe
  • Production : Les films de Jean Epstein
  • Photographie : George et Jean Lucas
  • Montage : Jean Epstein
  • Décors : Pierre Kefer
  • Date de sortie originale : 28 octobre 1928
  • Durée : 59 minutes

 

Commentaires

A la Une

Beetlejuice Beetlejuice : Michael Keaton de retour dans la peau du bio-exorciste dans une première bande d’annonce

Il aura fallu attendre plus de 35 ans, mais voici enfin Beetlejuice Beetlejuice. La suite du classique de Tim Burton, avec Michael Keaton dans le rôle-titre, se révèle dans une première bande d’annonce.

Alien – Romulus : Le retour de la saga Alien dévoile sa première bande-annonce courte mais prenante

Alien – Romulus marque un retour aux sources avec ce septième opus, dont l’histoire se déroule entre les deux premiers volets de la franchise de science-fiction horrifique.

Furiosa : L’histoire se dévoile un peu plus dans une nouvelle bande d’annonce

La sortie de Furiosa : Une Saga Mad Max approche à grands pas et une nouvelle bande d’annonce nous laisse entrevoir un peu plus l’histoire.

Carrousel Studios : Omar Sy, Louis Leterrier et Thomas Benski lancent une société de production

Cette nouvelle société de production, cofondée par le trio, développera et produira des films et séries pour le marché mondial et s’entourera de talents émergents et confirmés. 

Scream 7 : Neve Campbell fera son grand retour dans le prochain opus de la saga horrifique

Neve Campbell absente du sixième opus retrouvera également le scénariste Kevin Williamson qui réalisera ce septième volet de la franchise.

Nos vidéos

Box OFFICE France

Titre Cette sem. Nbr Sem. Cumul
1 DUNE DEUXIEME PARTIE 560 780 3 2 945 105
2 UNE VIE 176 881 4 1 209 828
3 IL RESTE ENCORE DEMAIN 145 340 1 145 340
4 HEUREUX GAGNANTS 136 628 1 136 628
5 BOLERO 89 612 2 267 336
6 MAISON DE RETRAITE 2 86 021 5 1 397 402
7 BOB MARLEY : ONE LOVE 77 941 5 1 787 658
8 COCORICO 68 696 6 1 810 401
9 14 JOURS POUR ALLER MIEUX 58 195 2 184 873
10 SCANDALEUSEMENT VOTRE 51 921 1 51 921

Source: CBO Box office

Nos Podcasts