Résumé : Merlin, journaliste, rencontre Lino Ventura dans le cadre d’un article. Fidèle à sa légendaire pudeur, celui qui s’est toujours considéré acteur par « accident » ne se livre pas facilement. Mais au fil de leurs entretiens, le colosse des Tontons flingueurs se dévoile, revenant sur sa carrière, ses débuts dans le catch, ses blessures, ses amitiés, ses brouilles, son rapport à la caméra – cet « œil de verre » comme il aimait à l’appeler –, sa rigueur intransigeante à choisir le bon scénario, pour finir par son engagement en faveur des enfants handicapés à travers l’association « Perce-Neige », toujours active de nos jours. Doucement, une carapace se fêle et une personnalité se dessine. Celle, qu’il n’a jamais pu cacher malgré ses innombrables rôles, d’un personnage droit dans ses bottes et profondément humain. Acteur né, homme d’instinct et colosse au cœur d’or, Lino Ventura est probablement l’une des figures les plus populaires et les plus fascinantes du cinéma français, ayant collaboré avec les plus grands et dont on ne compte plus les chefs-d’œuvre. Par le biais de cet entretien fictif, ce passionnant roman graphique nous replonge dans la carrière et la vie de cet acteur de légende et nous fait découvrir, sous le masque du comédien, la personnalité de l’homme.
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Dans sa préface à ce Lino Ventura et l’oeil de verre, le scénariste Jean-Claude Carrière se rappelle d’une scène d’Un papillon sur l’épaule dans laquelle le personnage de Ventura, frappé d’une balle tirée par un tueur embusqué s’écroule dans une rue. Autour de lui, les passants, qui ne sont pas des figurants, passent paisiblement leur chemin. Ventura s’écroule et le monde continue de tourner, constat tragique qui fait toute la beauté de cet ouvrage. À la plume de celui-ci, Arnaud Le Gouëflec, scénariste, romancier et musicien, cherche à révéler l’humanité et à préserver tout le mystère qui habitent communément les gros plans de l’acteur. Il y a d’abord ce naturel et cette éloquence toute physique que Ventura acquit sur les rings de catch. Il y a ensuite ce silence qui abrite les douleurs d’une enfance et l’absence d’une figure essentielle. Ventura, nous rappelle le scénariste, est une présence qui se ressent, plus qu’elle ne se comprend, d’un bloc. Dans le meilleur de la tradition des grands acteurs (on pense notamment à Spencer Tracy), Ventura dégage une force brute dont le regard signale que la limpidité n’est qu’une apparence de surface. Le récit creuse alors ce roc fragile, s’infiltre avec respect dans ses failles. Son soutien à José Giovanni dont il assure avoir ignoré pendant un temps le passé sulfureux, ses relations tendues avec Jean-Pierre Melville, son combat en faveur de l’injustice et des opprimés (et en premier lieu des enfants handicapés) éclairent un tempérament volontairement discret et taiseux. Au dessin, Stéphane Oiry (La Famille Achedeuzot ; Les Passe-muraille ; La Nouvelle Bande des Pieds Nickelés…) participe à cette entreprise d’infiltration. Entre ombres et vapeurs, son crayon trace les contours d’un spectre confondant de réalisme. Cette précision du trait se distord à dessein pour évoquer la jeunesse de Ventura en Italie. Au présent, le corps de l’acteur s’impose dans le cadre par la prestance de ses postures et le minimalisme qui imprègne ses mouvements. C’est le respect qui prévaut là encore. Respect d’une image ou d’une légende dont la force principale tint à sa discrétion de tout instant.
- LINO VENTURA ET L’OEIL DE VERRE
- Auteurs : Arnaud Le Gouëflec (scénario) et Stéphane Oiry (dessin)
- Éditions : Glénat
- Collection : 9 ½
- Date de parution : 24 avril 2019
- Langues : Français uniquement
- Format : 144 pages
- Tarif : 22,50 € (print) – Disponible aussi en version numérique