Livre/ Les extraterrestres au cinéma par Stéphane Benaïm : critique

Publié par Jacques Demange le 11 juillet 2017

Résumé : Dès la naissance du cinématographe, l’extraterrestre s’impose comme un sujet d’inspiration propice à la découverte de créatures étranges et à l’exploration de contrées exotiques lointaines. Lorsque Georges Méliès réalise en 1902 Le Voyage dans la Lune, mettant en scène les “Sélénites”, des aliens loufoques, il rencontre un succès immédiat. Sans le savoir, le cinéaste magicien vient de s’improviser précurseur d’un genre qui, cent quinze ans plus tard, étonne et émerveille toujours. Grand ou petit, hostile ou amical, humanoïde ou polymorphe, réalisé en animatronique ou en images de synthèse, parfois à l’aspect humain, le visiteur de l’espace est devenu une figure incontournable du septième art. Capable de s’adapter à tous les genres filmiques et également à toutes les époques, il surprend et intrigue constamment. Porteur de message universel, ou monstre sans âme à la conquête du monde, il agit comme un formidable révélateur sociétal et individuel. L’extraterrestre met en avant les comportements de l’homme quand il se confronte au « différent » et dévoile en même temps les sentiments intimes et les peurs profondes qui sommeillent en chacun de nous.

♥♥♥♥♥

 

Les extraterrestres au cinema - couverture

Les extraterrestres au cinema – couverture

Them ! Le titre de la célèbre série B réalisée par Douglas Gordon pourrait résumer à lui seul la problématique développée par ces Extraterrestres au cinéma. Ce « Them« , ces « autres », ce peut être d’étranges créatures végétales débarquées sur notre planète pour voler notre apparence, un gentil alien nouant une indéfectible amitié avec un jeune terrien, des êtres supérieurs venus éclairer l’avenir de l’humanité, ou un peuple primitif porteur d’une culture pacifique et écologique. L’ensemble de ces personnages explique Stéphane Benaïm, docteur en esthétique, sciences et technologie des arts, pourrait être regroupé derrière la figure de l’Autre, notion clé de son ouvrage. La question de l’altérité permet à l’auteur d’inscrire son étude au coeur d’une approche politique, sociologique et historique, formulant la synthèse d’un corpus de films protéiformes. L’idée est audacieuse, Benaïm ne se limitant jamais au seul genre science-fictionnel (même si celui-ci prédomine logiquement). De fait, si l’histoire de l’extraterrestre au cinéma semble bel et bien débuter avec les Sélénites du célèbre Voyage dans la Lune de Georges Méliès (1902), l’auteur perçoit le film d’exploration du début du XXe siècle comme le véritable point d’origine de l’Autre cinématographique. Entre le peuple décrit par Robert Flaherty dans Nanouk l’Esquimau (1922) et les Na’vi d’Avatar (2009), un lien se tisse autour d’une passion commune pour les territoires de l’inconnu et de leurs habitants. Bien que l’explosion de la science fiction au cinéma s’enracine dans le contexte paranoïaque de la Guerre Froide, Benaïm rappelle avec raison que la décolonisation succédant à l’immédiat après-guerre a elle aussi joué un rôle crucial dans la popularisation de la figure de l’extraterrestre. Pour appuyer sa thèse, l’ouvrage multiplie les exemples, revenant sur les grands titres des années cinquante (La Guerre des Mondes de Byron Haskin ; Planète Interdite de Fred McLeod Wilcox), les caractéristiques d’une franchise (la saga Alien), d’une cinématographie (l’animation, de La Planète Sauvage à Lilo et Stitch), ou d’un sous-genre (le buddy movie, ou le film de super-héros auquel Benaïm consacre un chapitre entier).

.

Féconde, l’étude attache autant d’importance aux incunables (Star Wars, Rencontres du Troisième Type, 2001, l’Odyssée de l’Espace) qu’aux oeuvres moins connues ou mésestimées (le soviétique Aelita, Lifeforce de Tobe Hooper, Immortel de Enki Bilal). Le recours à de nombreuses illustrations permet le développement d’instructives analogies entre cinéma et peinture (sont notamment convoqués les toiles surréalistes d’Ernst Fuchs, de Salvador Dalí, Le Jardin des délices de Jérôme Bosch, ou une eau-forte de Goya), mais aussi d’enrichir le propos à travers l’analyse de dessins préparatoires, d’affiches ou de plans en particulier.

.

On peut cependant regretter que  l’ouvrage ne s’attache presque qu’exclusivement au cinéma américain, laissant en marge certaines cinématographies pourtant prolixes en matière d’extraterrestres. Par ailleurs, si la partie consacrée à l’animation regorge de retours experts sur certaines techniques particulières (exemple de la technique du papier découpé, puis animé en phase, employée par René Laloux et Roland Topor pour La Planète Sauvage), les questions formelles sont trop souvent laissées en suspens. Des extraterrestres de Méliès à ceux de Premier Contact, il y a pourtant une distance porteuse de généalogies et de transformations propres à l’évolution technologique du médium cinematographique (des maquettes aux images de synthèse) qui aurait permis d’interroger plus concrètement la représentation de l’Autre au cinéma. On signale encore la présence de quelques coquilles ou erreurs : Le Parrain n’a pas été réalisé en 1977 mais en 1972, et Marlon Brando ne profitait déjà plus de la renommée du film de Coppola lorsqu’il accepta d’apparaître dans le Superman de Richard Donner. Ces manques n’enlèvent cependant pas grand chose à la qualité de l’ensemble porté par une écriture tout à la fois passionnée et passionnante.

.

.

.

  • LES EXTRATERRESTRES AU CINÉMA par Stéphane Benaïm disponible aux Éditions LettMotif, La Madeleine depuis mai 2017.
  • 236 pages
  • Versions papier, pdf et numérique : 11,90 € – 26 €

Commentaires

A la Une

Michel Blanc, monument du cinéma français, est décédé à l’âge de 72 ans

Star de la troupe du Splendid, acteur, scénariste et réalisateur, bien connu pour son rôle de Jean-Claude Dusse dans les… Lire la suite >>

Frank Darabont sort de sa retraite pour réaliser deux épisodes de Stranger Things Saison 5

Cela faisait onze ans qu’il n’était plus passé derrière la caméra. Frank Darabont, génial metteur en scène des Évadés et… Lire la suite >>

Juré N°2 : Une bande-annonce empreinte de tension pour le nouveau Clint Eastwood

À 94 ans, le légendaire Clint Eastwood ne compte pas prendre sa retraite. Les premières images de son nouveau film,… Lire la suite >>

John Amos, star de Good Times, Racines, 58 minutes pour vivre et Un Prince à New York, s’est éteint à 84 ans

John Amos, acteur, scénariste, dramaturge, et nommé aux Emmy Awards, connu pour son rôle mythique de James Evans, père de… Lire la suite >>

Un César d’honneur pour la grande Julia Roberts

L’Académie des Arts et Techniques du Cinéma remettra un César d’honneur à l’actrice américaine Julia Roberts lors de la 50e… Lire la suite >>

Nos vidéos

Box OFFICE France

Titre Cette sem. Nbr Sem. Cumul
1 JOKER : FOLIE A DEUX 601 995 1 601 995
2 QUAND VIENT L'AUTOMNE 231 861 1 231 861
3 BEETLEJUICE BEETLEJUICE 174 505 4 1 410 727
4 LE COMTE DE MONTE-CRISTO 141 472 15 8 388 607
5 L'HEUREUSE ELUE 124 943 2 331 758
6 LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE 96 980 3 438 467
7 LE FIL 92 871 4 612 319
8 NI CHAINES NI MAITRES 80 275 3 307 202
9 ALL WE IMAGINE AS LIGHT 69 491 1 69 491
10 MEGALOPOLIS 64 679 2 200 988

Source: CBO Box office

Nos Podcasts