Synopsis : Pierre Braunberger, Anatole Dauman, Robert Dorfmann, les frères Hakim, Mag Bodard, Alain Poiré, Pierre Cottrell, Albina du Boisrouvray, Jacques Perrin, Jean-Pierre Rassam et bien d’autres… Ils ont toujours œuvré dans l’ombre et sont restés inconnus du grand public. Pourtant ils ont produit des films que nous connaissons tous. Autodidactes, passionnés, joueurs, ils ont financé le cinéma avec une inventivité exceptionnelle à une époque où ni télévisions, ni soficas ou autres n’existaient. Partis de rien, ils pouvaient tout gagner… ou bien tout perdre. Ce sont des personnages hauts en couleur, au parcours souvent digne d’une fiction. Entre les désirs du réalisateur et la réalité du tournage, ils veillent à ce que le film aboutisse et font pour cela des choix qui renvoient dos à dos l’art et l’industrie, la création et l’argent. Ils étaient les rois de l’illusion, il leur fallait crédibiliser leur statut de nababs pour compenser leur manque de solvabilité bancaire.
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Cette série documentaire a pour premier mérite de lever un voile sur un pan encore trop méconnu de l’Histoire du cinéma français. C’est en effet par le biais de la figure du producteur que la réalisatrice Florence Strauss décrypte une période de trente années, de l’après-guerre jusqu’à la fin des années 1970. Cet itinéraire prend d’emblée une dimension personnelle. Strauss est en effet la petite fille de Robert Hakim et la petite-nièce de Raymond Hakim, tandem de producteurs à l’origine de certains des grands films de la période envisagée (Casque d’or, Plein Soleil, Belle de jour…). Suivant les traces de leur œuvre, la cinéaste propose en huit épisodes d’aborder les nababs à la française, des figures de l’ombre à la fois impressionnantes et pittoresques. À travers leurs histoires, c’est un ensemble de systèmes qui prend forme. Ainsi des coproductions européennes ou de la fameuse exception culturelle française. La mise en chantier du cinéma de la France libérée se développe en effet selon un progressif système de prise en charge nationale à l’intérieur duquel, nous rappelle le documentaire de Strauss, les producteurs jouèrent un rôle central. Cette attitude singulière se retrouve à travers le comportement des personnalités mises en lumière. La prise de risque va de pair avec la reconnaissance de la place centrale occupée par le réalisateur. L’étude riche et scrupuleuse des documents de production (dénichés au sein de collections privées ou publiques) souligne cet aspect, tandis que les invités (parmi lesquels l’écrivain et scénariste Jean-Claude Carrière, l’actrice Macha Méril, la metteure en scène Ariane Mnouchkine) rappellent l’aura de prestige et de mystère dont bénéficiait ces producteurs qui n’avaient rien à envier à leurs célèbres homologues américains. Le charme oriental des frères Hakim, la corpulence et l’accent slave de Henry Deutschmeister valent bien la fine moustache d’un Darryl Zanuck ou le front dégarni d’un Harry Cohn.
Ce travail d’analyse permet de se focaliser sur certaines productions en particulier et de mieux appréhender leurs particularités (la présence de Gérard Philippe dans Fanfan la Tulipe, les couleurs ternes de Belle de jour, les difficultés rencontrés par Jean Cocteau et son équipe sur le tournage de La Belle et la Bête…) Le corps à corps avec les films s’envisage aussi à travers le recours à certains documents (des contrats aux faire-part pour les premières) qui attestent de l’intelligence, du savoir-faire et de l’élégance de cette french touch dont cette série documentaire rappelle l’importance.
C’est en définitive une Histoire parallèle du cinéma français qui s’offre à nous. De la salle du cinéma Mac-Mahon aujourd’hui aux photographies de tournage de films passés, Strauss nous offre une traversée aussi belle qu’essentielle, colorant ses prises de vue des quartiers de la capitale d’une texture rappelant le grain de la pellicule. Comme si un autre cinéma français se recomposait face à nous.
- LE TEMPS DES NABABS
- Sortie DVD : 19 août 2020
- Format / Produit : coffret 3 DVD
- Réalisation : Florence Strauss
- Avec : Pierre Braunberger, Anatole Dauman, Robert Dorfmann, les frères Hakim, Mag Bodard, Alain Poiré, Pierre Cottrell, Albina du Boisrouvray, Jacques Perrin, Jean-Pierre Rassam…
- Scénario : Florence Strauss et Gioacchino Campanella à partir d’une idée de Florence Strauss et Jean Labadie
- Production : Serge Lalou, Claire Dornoy, Jean et Anne-Laure Labadie, Nicolas Lebecque et Marie de Labarre
- Photographie : Florence Strauss et Cyril Bron
- Montage : Camille Cotte (assistée de Diane Rigou-Chemin)
- Musique : Arden Day et Jan Vysocky
- Édition : Le Pacte
- 8 épisodes de 52 minutes
- Tarif : 24, 99 €