Roman / Dune de Frank Herbert (édition collector) : critique

Publié par Jacques Demange le 5 octobre 2020

Résumé : Il n’y a pas, dans tout l’Empire, de planète plus inhospitalière que Dune. Partout du sable à perte de vue. Une seule richesse : l’épice de longue vie, née du désert et que l’univers tout entier convoite.

♥♥♥♥♥

 

Dune de Frank Herbert - edition collector

Dune de Frank Herbert – edition collector

Comme a pu l’écrire Tarkovski : « Il existe des Å“uvres littéraires qui ont une telle unité, une telle clarté, une telle originalité, où les personnages s’expriment avec une telle profondeur à travers les mots, que la magie de leur composition révèle à chaque page l’inimitable personnalité de leur auteur. L’ensemble dégage alors une telle force, que l’idée d’adapter un pareil chef-d’œuvre à l’écran ne pourrait germer que chez quelqu’un qui mépriserait tout autant la littérature que le cinéma. » Pendant longtemps, Dune a semblé faire partie de ces Å“uvres dont l’exemplarité littéraire semble les rendre inadaptables. À bien des égards le roman de Frank Herbert, publié en 1965, tient du mythe cinématographique. Projet fantasmatique, oeuvre insolite, promesse d’une hypothétique prouesse, Dune a incarné les différentes facettes de ce qui constitue la part de visible et d’invisible de toute production artistique. Fantasme finalement insaisissable caressé par Jodorowsky et que concrétisera avec un bonheur inégal David Lynch en 1984, avant l’annonce d’une mouture réalisée par Denis Villeneuve, prévue pour novembre 2020. De quoi Dune est-il donc le nom ? De plans réels, de croquis restés à l’état d’ébauche, de (bandes-)annonces fracasssantes. Un réservoir d’images, figées ou en mouvement, qui ne doit pas faire oublier son format premier, le génial écrit de Herbert proposée ici en une édition de luxe qui profite d’une nouvelle traduction ainsi que d’une belle préface signée par Villeneuve. 

 

Il serait tentant, à première vue, de relier l’approche de Herbert de celle de Bradbury. Ici comme là, la cohérence de l’univers tient aux liens que celui-ci tisse avec notre propre condition. Dans les deux cas donc, la qualité de l’ouvrage se trouve a posteriori rehaussé par sa capacité d’adaptation, apte à toucher différentes générations de lecteurs. Reste que la comparaison entre Herbert et Bradbury affiche vite ses limites. Alors que l’auteur des Chroniques martiennes entretient constamment la tentation de déborder son récit par la formulation d’un discours à la métaphysique sidérante et convaincante, Herbert fait de celle-ci la clé de voûte d’un environnement fictionnel qui impressionne par son hermétisme.

 

Tout se tient et tout se transforme à l’intérieur d’un huis-clos dont les frontières se confondent avec celles des univers imaginés par le romancier. Cet aspect explique la plongée délibérément brutale à l’intérieur d’une fiction qui, dès les premières pages, semble prise en cours. Ce qui guide la plume d’Herbert c’est la dynamique du saut dans un inconnu qui maintient toujours une savante distance avec son lecteur. L’affect naît moins du rapport d’identification avec les personnages que du développement d’une atmosphère que l’on éprouve et qui nous traverse sur la durée.

 

Le carcan narratif se nourrit directement de cet esprit méditatif qui impose au lecteur un rythme singulier assurant son imperméabilité au passage du temps, des modes et des conventions. D’où l’appellation d’ « oeuvre- monde » qui sied si bien au roman d’Herbert et qui explique ses difficultés d’adaptation. Car au-delà du récit à proprement parler, c’est la valeur d’une expérience que cherchera à retrouver le lecteur devenu spectateur. Pas étonnant alors que Dune ait attiré des cinéastes dont le tempérament se prêtait à ce type d’exploration. Jodorowsky comme Lynch ont su retrouver dans le roman d’Herbert cette sève mystérieuse et fascinante qui irrigue leur filmographie commune. Pas étonnant non plus que Denis Villeneuve se soit laissé tenter par cette périlleuse aventure.

 

Dans sa préface, le réalisateur signale une compréhension aiguë de l’oeuvre, relevant différents enjeux et problématiques propices aux prolongements sur grand écran. Le rythme mélancolique qui imprégnait son Blade Runner 2049 (principal trait qui le distinguait du modèle scottien), et qui caractérisait déjà ses productions précédentes, devrait trouver un parfait prolongement auprès du récit d’Herbert. Preuve que Dune ne saurait se satisfaire d’une unique (re)lecture.

 

 

 

  • DUNE
  • Auteur : Frank Herbert
  • Traduction : Michel Demuth
  • Préfaces de Denis Villeneuve et Pierre Bordage – postface de Gérard Klein
  • Éditions : Robert Laffont
  • Collection : Ailleurs et Demain
  • Date de réédition : 1er octobre 2020
  • Première parution : 1er août 1965
  • Langues : Français uniquement
  • Format : 720 pages
  • Tarifs : 24,90 € (cartonné) – 12,50 € (format poche)

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