Synopsis : Les Indes, fin du XIXe siècle. Par le fruit du hasard et de leur filouterie, Peachy Carnehan et Daniel Dravot, anciens sergents de l’Empire britannique, francs-maçons, se lient d’amitié avec un frère, le journaliste Rudyard Kipling. Toujours prêts à se fourrer dans un guêpier, les deux compères en mal de sensations fortes ont décidé de réaliser l’impensable : devenir souverains de la contrée mythique du Kafiristan, où nul autre Occidental n’a osé pénétrer depuis Alexandre le Grand. Devant un Kipling médusé, ils signent un pacte : aucun plaisir terrestre ne saurait les détourner de leur quête. Un terrible périple s’annonce, parsemé de pièges, de rites ancestraux. Et qui sait, la fortune, la gloire et le pouvoir, au-delà de leurs plus belles espérances…
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John Huston fait partie de ces cinéastes dont la cohérence ne peut se satisfaire d’une vision orientée de son œuvre. Face à la profusion de sa filmographie, la sélection est bien sûr inévitable. Si les productions depuis longtemps consacrées (Le Faucon maltais ; Le Trésor de la Sierra Madre ; Key Largo ; The Asphalt Jungle ; The African Queen ; The Misfits…) bénéficient d’une aura qui sut traverser les décennies et les générations, le cinéphile aurait tort de s’arrêter à ces seules balises. Moins commentées, les grosses productions de Huston méritent à coup sûr d’être redécouvertes pour être appréciées à leur juste valeur. Ainsi de L’Homme qui voulut être roi (1975) dont la maison Wild Side propose une imposante réédition. Limité à 2000 exemplaires, le coffret Blu-ray / DVD assorti d’un ouvrage signé par Samuel Blumenfeld vaut indéniablement que l’on s’y attarde. Le film d’abord qui, derrière ses allures d’aventure exotique, développe une réflexion aux accents existentiels propre au cinéma de Huston. « La tragédie de la rapacité et la poésie de l’échec sont deux thèmes importants de l’univers hustonien » écrivait Gilles Jacob en 1952. La chose demeure ici essentielle. Le scénario, adapté d’une nouvelle de Rudyard Kipling par le réalisateur et Gladys Hill, narre le parcours de deux britanniques partis conquérir un pays légendaire du Moyen-Orient. Tout en respectant les codes du film d’aventure, L’Homme qui voulut être roi introduit un double-discours dont la teneur s’affirme graduellement, aménageant ses effets jusqu’à faire imploser les exigences du genre.
C’est d’abord par son humour que la production de Huston charme le spectateur. Le tandem formé par Sean Connery, décédé le 31 octobre 2020 à 90 ans, et Michael Caine ne se contente pas de soutenir le propos mais l’incarne tout à fait à travers l’interprétation d’une mesure qui s’épanouit dans les extrêmes, de la candeur grotesque à l’abnégation tragique. La beauté des décors, la magnificence des mouvements de caméra, la direction savante des scènes de foule, se concrétisent à travers la représentation d’une chute qui est d’abord celle d’un idéal sacrifié à la cause de l’honnêteté.
C’est donc l’idée d’un absolu qui guide la quête narrée par le film. Cette thématique permet de rattacher l’expression romanesque à l’indicible de l’horreur. Relégué au rang de simple observateur, le personnage de Kipling se présente moins comme un clin d’œil que comme un procédé de distanciation bienvenu. Le romancier se contente du rôle de témoin, sa fonction engageant un travail de mémoire qui sera, forcément, altéré par le faste de son écriture.
Huston ne se désengage pas totalement de cette approche mais inscrit au sein de l’épique une touche toute personnelle. Celle-ci se trouve d’abord dans le basculement horrifique du film, fustigeant l’innocence première du drame, mais aussi dans le traitement de certaines scènes d’intérieurs. Comme dans Le Barbare et la Geisha (1958) ou La Bible (1966), la complexité du rapport humain s’illustre à travers une disposition judicieuse des éléments du décor et le recours non moins expressive à la profondeur de champ.
Cette richesse est parfaitement explicitée par le livre du coffret. Animé par la prose du bien connu Samuel Blumenfeld, l’écrit revient sur la genèse du film, offre un portrait concis mais complet de Huston, tout en profitant d’une belle mise en page assortie de photographies inédites. Parmi les bonus, le court making-of et l’entretien avec Danny Huston, fils du réalisateur, sont partiellement intéressants. L’intérêt se trouve plutôt du côté des exclusivités de l’édition Blu-ray. Le long entretien avec Angela Allen, scripte de Huston, et les deux conversations avec Jean-Jacques Annaud, permettent de prolonger le plaisir pris à la vision du film et de comprendre les intérêts et particularités de ce dernier à l’intérieur de l’œuvre-fleuve du réalisateur.
- L’HOMME QUI VOULUT ÊTRE ROI (The Man Who Would Be King)
- Éditions : Coffret Édition Collector limitée, DVD + Blu-ray + Livre
- Date de sortie : 16 décembre 2020
- Réalisation : John Huston
- Avec : Sean Connery, Michael Caine, Christopher Plummer, Saeed Jaffrey, Larbi Doghmi, Jack May, Karroom Ben Bouih, Mohammad Shamsi, Albert Moses, Paul Antrim, Graham Acres, Shakira Caine
- Scénario : Gladys Hill et John Huston (d’après la nouvelle L’Homme qui voulut être roi de Rudyard Kipling)
- Producteur : John Foreman
- Photographie : Oswald Morris
- Montage : Russell Lloyd
- Musique : Maurice Jarre
- Éditions : Wild Side Vidéo
- Durée : 129 minutes
- Sortie initiale : 1975
- Tarifs : 69,99 €