Emporté par le coronavirus le 11 décembre 2020, le réalisateur sud-coréen controversé Kim Ki-duk laisse derrière lui une filmographie riche d’une vingtaine de longs métrages qui ne souffrit presque d’aucune fausse note. Retour sur une œuvre poussée par la fièvre de l’intransigeance.
Révélé par son neuvième long métrage, Printemps, été, automne hiver…et printemps (2003), le réalisateur Kim Ki-duk (1960-2020) creusa un sillon tout à fait personnel au sein du cinéma sud-coréen contemporain. Là où ses compatriotes Bong Joon-ho, Park Chan-wook et Kim Jee-woon participèrent au rayonnement de leur cinématographie nationale en travaillant les codes du cinéma de genre (et notamment ceux du thriller), Kim Ki-duk proposa tout au long de sa prolifique carrière un curieux mélange entre représentation animiste du monde et désir de briser les tabous.
Si Souffle (2007), Locataires (2004) ou Samaria (2004) affirment communément une ambition de représenter les mœurs et les impasses de la société sud-coréenne, ce sont d’abord les limites de l’Homme qui intéressent le réalisateur. En ce sens, Human, Space, Time and Human (2019), son avant-dernier long métrage, se présente comme l’accomplissement thématique de son œuvre.
Autre point central de sa filmographie : la famille ou plutôt les failles qui travaillent l’homogénéité de la cellule familiale. La relation peut ainsi prendre une tournure incestueuse comme dans Moebius (2013) ou s’établir selon un pacte criminel à la manière de Pieta (2012), Lion d’or à la Mostra de Venise.
C’est donc l’idée d’une relativité qui prime, s’établissant à travers le motif d’une rencontre faisant coïncider intimité et étrangeté. Si Kim Ki-Duk s’est rapidement forgé la réputation de cinéaste dérangeant, s’épanouissant dans la mise en scène de situations perturbantes ou malaisantes, le climat glauque de ses films n’empêche l’expression d’une poésie.
Dans Printemps, été, automne, hiver…et printemps, c’est le règne animal (serpents, crapauds, poissons, canards, coqs et chats) qui entre en contact avec l’érotisme latent qui se tisse entre deux jeunes femmes et un moine. Le contact s’établit d’abord par la distance, un regard échangé par le prisme d’un reflet, une main qui effleure une jambe dénudée… La concrétisation de l’entreprise de séduction conserve ce lyrisme. Les corps se pénètrent au bord d’une rivière, tandis que le ciel contemple les visages des deux amants animés par l’acte consommé.
Bien que le parcours de Kim Ki-duk ait été noirci par une série d’accusations d’harcèlements et d’agressions sexuels, on retiendra de sa filmographie cette puissance qui battit en brèche toute concession sans rien perdre des nuances de l’éloquence.