Livre / Prendre au sérieux la comédie : critique

Publié par Jacques Demange le 11 décembre 2020

Résumé : La comédie au cinéma n’a pas vocation qu’à faire rire, elle est aussi un subtil moyen d’exprimer des idées subversives. Car la censure baisse souvent la garde devant la comédie, qui peut se permettre d’attaquer tabous et interdits beaucoup plus efficacement. Cela nécessite un fin dosage : être suffisamment choquant pour provoquer rire et réflexion critique, mais ne pas l’être trop, pour ne pas susciter rejet ou censure. Le tout dicté par un impératif économique : les producteurs ont toujours voulu éviter que les films n’affichent trop ostensiblement un « message », pour ne pas risquer de déplaire. La comédie est d’autant plus facilement acceptée qu’elle semble correspondre à l’idée que l’on se fait du cinéma : un pur divertissement. Il est ainsi paradoxalement plus facile d’y glisser des idées critiques. Mais cet avantage se paie au prix fort : les comédies accèdent rarement à la légitimité culturelle et, dans la hiérarchie du cinéma, elles sont reléguées après les genres « sérieux ». Il suffit de constater le faible nombre de comédies dans les palmarès des grands prix. Il s’agit ici de dégager quelques lignes de force en une cinquantaine de titres situés, pour la plupart, entre 1920 et 1980, date à partir de laquelle le cinéma est moins en butte à la censure, et où la comédie cesse d’être un refuge.

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Prendre au serieux la comedie

Prendre au sérieux la comédie

La comédie déploie les gorges autant qu’elle fait grincer les dents. Si la mise en cause des certitudes est bien une constante du rire, Yannick Mouren, docteur en études cinématographiques et déjà auteur d’un certain nombre d’études remarquées (François Truffaut, l’art du récit ; Le Flash-Back ; Filmer la création cinématographique ; La Couleur au cinéma) interroge les possibles prolongement de cet outil critique. Deux types de comédies filmiques apparaissent alors : la « comédie normative » dont le but est de sanctionner par le rire toute conduite socialement marginale, et la « comédie transgressive » qui vient remettre en cause, « d’une manière plus ou moins explicite », le fonctionnement social. Ce sont évidemment ces dernières qui intéressent l’auteur. La viabilité théorique et pratique de cette catégorie cinématographique est ici clairement démontrée par le nombre considérable d’exemples envisagés. Au-delà du seul nombre, c’est l’éclectisme du corpus qui impressionne. Traversant les décennies (du muet au contemporain) et les cinématographies (France, Italie, Grande-Bretagne, Amérique, Espagne, Tchécoslovaquie, Pologne…), Mouren choisit d’articuler ses réflexions autour de grandes thématiques. Le sexe, la politique, la loi, la morale, la religion, l’armée, ou encore la consommation sont ainsi discutés à travers une analyse précise de films en particulier. On apprécie à nouveau le syncrétisme de l’auteur qui tout en revenant sur les incontournables (Ninotchka ; Le Roman d’un tricheur ; Divorce à l’italienne ; M*A*S*H. ; Docteur Folamour ; La Vie de Brian…) n’hésite pas à se tourner vers certaines productions quelque peu oubliées (l’excellent Bourreau de l’Espagnol Luis Berlanga, La Mazurka du Baron de Pupi Avati) ou à troubler les catégories établies (voir l’instructif sous-chapitre consacré à la réception de Starship Troopers).

 

Si l’on peut regretter que les analyses proposées par Mouren oublie par trop souvent les questions de mise en scène dont les procédés participent directement aux ressorts comiques des films, l’ouvrage reste remarquable dans son approche historique. Car si ce sont bien les récits cinématographiques qui constituent l’objet principal de l’ouvrage, l’auteur prend soin d’expliciter leur rapport avec la structure censoriale qui les encadre. De fait, l’ultime chapitre consacré au cinéma contemporain permet d’envisager les prolongements de la comédie transgressive (l’humour noir, le choix de sujets choquant le consensus, le féminisme).

 

Il faut enfin souligner la rigueur scientifique de l’étude dont les nombreuses références, malheureusement non rassemblées dans une bibliographie indicative, prouvent l’indéniable maîtrise de l’auteur qui parvient à s’inscrire dans les traditionnelles approches du genre tout en en renouvelant certains des enjeux constitutifs.

 

 

 

  • PRENDRE AU SÉRIEUX LA COMÉDIE
  • Auteur : Yannick Mouren
  • Éditions : CNRS
  • Date de parution : 26 novembre 2020
  • Langues : Français uniquement
  • Format : 232 pages
  • Tarifs : 24 € (print)  – 16,99 € (numérique)

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