Résumé : Hollywood, 1953. L’industrie cinématographique est un gâteau fourré à l’arsenic que se disputent la mafia, l’armée et les ligues de vertu catholiques. Dans ce marécage moral et politique, ne survivent que les âmes prêtes à tout. Le producteur raté Larkin Moffat est de ceux-là. Abonné aux tournages de séries B, il fait vivoter les crève-la-faim du cinéma et enrage contre ce système qui l’exclue. Jusqu’au jour où il se voit proposer la chance de sa vie. Dans cette combine dangereuse vont graviter autour de lui le major Buckman, parieur et coureur invétéré, le très ambivalent père Santino Starace, l’impresario et proxénète Johnny Stompanato. Tous vont croiser leurs destins, multiplier les manœuvres et les crimes dans ce grand cirque du cinéma américain. Alors que défilent les Errol Flynn, Clark Gable, Hedy Lamarr et autres Frank Sinatra, ce petit monde sans scrupule va s’adonner à ce qu’il sait faire de mieux : manipuler les masses et veiller à son profit.
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Le rapprochement tient de cette évidence qu’elle oblige à son immédiate identification. En choisissant de pénétrer dans l’obscurité des coulisses du Hollywood des années 1950, le nouveau roman de Dominique Maisons (Les Violeurs d’âme ; Le Festin des fauves ; On se souvient du nom des assassins ; Tout le monde aime Bruce Willis) convoque l’esprit de James Ellroy. L’écrivain français partage en effet avec son confrère américain un goût pour la noirceur qui prend corps à travers une représentation oscillant entre fantasmes et exactitudes historiques. Les années 1950 s’y prêtent fort bien. Dans l’American Way of Life promulguée par l’administration Eisenhower et l’économie florissante d’un pays devenu roi du monde, la recherche de fissures venant lézarder la surface se veut forcément passionnante. De fait, c’est à Hollywood que le début du déclin s’annonce. Là où récemment encore Gilles Leroy (Dans les westerns, 2017) cherchait à briser les codes d’une virilité instituée par l’esprit d’une nation conduite par ses représentations cinématographiques, Dominique Maisons rappelle la teneur du lien entretenu par les sphères du politique et du spectacle. La crise qui traversa l’industrie hollywoodienne à partir du début de la décennie, et dont l’une des conséquences fut la montée en puissance des productions indépendantes, est ici décrite comme le résultat d’une stratégie concertée. C’est ici que se mesure le talent fictionnel de l’auteur. Visiblement passionné par les paradoxes de cette période qui sut si bien camoufler ses crises par son attrait pour le gigantisme, Maisons parvient à faire du contexte historique la matière d’un argument portée par une exigence romanesque. Comme chez Ellroy donc, la construction s’inscrit dans la tradition du grand roman balzacien.
Les liens prennent le temps de se former au sein d’une structure chorale éclatée en différents portraits de personnages que le romancier peint avec une certaine finesse. Le stéréotype des caractères (producteurs véreux, vedettes égocentriques, prêtres débauchés) s’affirme d’abord, puis finit par se contraster au point de s’effacer tout à fait. Le rapport au cinéma semble enfin toucher jusqu’aux fondements de l’écriture. Efficace, évitant sciemment la préciosité, le style de Maisons se prête naturellement à l’adaptation.
La force du roman vient de ce goût affirmé pour l’énergie du polar américain qui dépasse pourtant le cadre de la quête unique pour s’élargir aux dimensions de la fresque historique. Avant les diamants se doit donc d’être découvert et trouverait un naturel prolongement à l’écran.
- AVANT LES DIAMANTS
- Auteur : Dominique Maisons
- Éditions : Éditions de La Martinière
- Date de parution : 27 août 2020
- Langues : Français uniquement
- Format : 528 pages
- Tarifs : 21,90 €