Bertrand Tavernier, toute la mémoire du cinéma

Publié par Jacques Demange le 26 mars 2021
Bertrand Tavernier - Voyage a travers le cinema francais - Cannes Classics

Bertrand Tavernier / Voyage à travers le cinéma français / Cannes Classics

Disparu ce jeudi 25 mars à l’âge de 79 ans, le réalisateur français Bertrand Tavernier nous lègue une œuvre unique et exemplaire marquée par une exigence dont les seules limites étaient celles de son indéfectible passion. 

 

 

 

Que la fete commence

Que la fête commence

La mort de Bertrand Tavernier se confond avec la disparition d’une mémoire. Le titre de son premier long métrage, L’Horloger de Saint-Paul (1974) qui lui valut le Prix Louis-Delluc et le Grand Prix du Jury à la Berlinale, est sur ce point emblématique.

 

Qu’il s’intéresse au film historique (Que la fête commence [1975] ; Le Juge et l’Assassin [1976] ; Un dimanche à la campagne [1984] ; La Vie et rien d’autre [1989] ; La Fille de D’Artagnan [1994] ; Laissez-passer [2002] ; La Princesse de Montpensier [2010]) ou au film d’anticipation (La Mort en direct [1980]), Tavernier n’a cessé d’interroger les caractéristiques d’époques et d’identités à travers une mise en scène marquée par un souci d’exactitude et nourrie de nombreuses recherches documentaires menées en amont des tournages.

 

Fréquemment salué et récompensé pour sa précision (du César du meilleur réalisateur en 1976 pour Que la fête commence au Lion d’or remis en 2015 pour l’ensemble de sa carrière en passant par le Prix de la mise en scène du Festival de Cannes en 1984 pour Un dimanche à la campagne), Tavernier fut indéniablement un réalisateur de la maîtrise. En ce sens, le cinéaste se distingua de ses immédiats contemporains en revendiquant un certain perfectionnisme qui l’éloignait fortement de l’improvisation d’un Jean Eustache ou des expérimentations audio-visuelles d’un Jean-Luc Godard.

 

Cet aspect explicite sans doute son choix de collaborer avec Jean Aurenche et Pierre Bost pour L’Horloger de Saint-Paul, Que la fête commence, Le Juge et l’Assassin et Coup de torchon (1981). Le tandem de scénaristes qui s’était fait connaître dans les années 1940 et 1950 pour son travail auprès de Claude Autant-Lara, Jean Delannoy ou René Clément avait subi de plein fouet les attaques répétées des Jeunes Turcs de la Nouvelle Vague contre le cinéma de la « qualité française ». La rigueur de leur écriture répondait aux attentes de Tavernier dont la recherche de savoir faire se retrouvait aussi à travers la distribution de ses films.

 

Dans la brume electrique

Dans la brume électrique

Ses choix d’acteurs (Philippe Noiret et Jean Rochefort, bien sûr, mais aussi Michel Aumont, Michel Piccoli, Jean-Pierre Marielle, Michel Galabru ou plus récemment Denis Podalydès Thierry Lhermitte et Niels Arestrup) convoquaient l’idée d’une tradition de jeu toute francophone qui sut si bien associer l’art de l’élocution à la verve de la présence physique. Cette recherche du beau geste marquait aussi la photographie de Tavernier qui, sans chercher à embellir ses images, profitait de la poésie crue ou lyrique de l’environnement réel.

 

D’où la force qui émane de ses deux incursions aux États-Unis, le documentaire Mississippi Blues (1983) coréalisé avec Robert Parrish et Dans la brume électrique (2009), qui profitent communément de la beauté brutale des terres du Sud. Cette association toute romantique entre le beau et le laid, le somptueux et le grotesque, la volupté et la violence, permit au cinéaste d’approfondir par l’image le discours critique de ses scénarios.

 

Sans didactisme aucun, Tavernier n’a cessé de mener une leçon de cinéma, plantant sa caméra au sein de systèmes et de communautés dont il cherchait à comprendre les mécanismes et à capter les possibles débordements. L’aristocratie (Que la fête commence), l’armée (Capitaine Conan), la police (L. 627), ou la politique (Quai d’Orsay [2013]) se présentaient à ses yeux comme des microcosmes dont il fallait comprendre les règles pour mieux en révéler les failles et les limites.

 

Voyage a travers le cinema francais

Voyage à travers le cinéma français

La grande qualité de Tavernier fut de parvenir à concilier l’objectivité de l’historien avec l’approche anthropologique du naturaliste sans jamais oublier la force romanesque propre à son médium artistique. La formulation de cette synthèse entre raison et passion se retrouvait aussi à travers ses écrits. Critique de cinéma avant de débuter sa carrière au cinéma, Tavernier n’abandonna jamais son goût pour l’écriture.

 

Ainsi de son célèbre dictionnaire, coécrit avec Jean-Pierre Coursodon (disparu en décembre 2020), consacrée aux grands réalisateurs et scénaristes américains. Publié en 1970 sous le titre 30 ans de cinéma américain, l’ouvrage est réédité vingt ans plus tard chez Nathan (50 ans de cinéma américain, 1991), et profite d’un éclairage analytique qui substitue aux traditionnelles notules de longs textes explicatifs à l’intérieur desquels les deux auteurs séparent le bon grain de l’ivraie et n’hésitent pas à interroger, voire à mettre en cause, leurs propres jugements.

 

Cet appétit cinéphile, Tavernier l’exerça encore à travers la forme de l’entretien (le récemment réédité Amis américains. Entretiens avec les grands auteurs d’Hollywood et Le cinéma dans le sang. Entretiens avec Noël Simsolo) ou celle du documentaire (son excellent Voyage à travers le cinéma français [2016]). Sous la plume ou à travers l’objectif de la caméra, la loquacité du réalisateur se présentait comme un moyen d’ouvrir la mémoire du monde à de nouveaux spectateurs.

 

 

 

 

 

 

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