Résumé : Poétiques, lyriques, riches en rimes visuelles : de telles expressions ne sont pas rares sous la plume des critiques, pour désigner des films aussi différents que ceux de Malick, de Jarmusch ou de Miyazaki. Si la poésie comme genre littéraire n’occupe qu’une place infime dans les lectures de nos contemporains, elle n’a visiblement pas disparu du langage commun, où son dérivé, l’adjectif «?poétique?», est souvent utilisé à propos du cinéma. Mais à quoi renvoie alors cette catégorie aux contours flous ? Associant chercheurs en cinéma et en littérature, ce volume entend mener l’enquête sur cette quête de poésie au cinéma. Adoptant une démarche non normative, il s’interroge sur les formes et les significations du poétique au cinéma mais aussi sur la manière dont il peut informer les représentations filmiques des poètes et de la poésie.
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Tout en cherchant à comprendre la récente réhabilitation de la notion de « poésie » dans le champ de la critique et de la théorie du cinéma, le présent ouvrage collectif dirigé par Nadja Cohen, chercheuse post-doctorale à la KU Leuven et spécialiste des rapports entre littérature et cinéma, se propose d’en décliner les différentes facettes afin d’éclairer et d’explorer ses principaux enjeux conceptuels. Parce que naturellement rattachée au champ de la littérature, la poésie permet de dresser différents parallèles entre le geste d’écriture et celui de la captation filmique. À cette fin, l’étude se divise en quatre grands axes complémentaires. Il s’agit d’abord d’interroger l’étiquette de « poétique » qui fut parfois accolée à certaines cinématographies (le « réalisme poétique » français ici analysé à travers l’exemple du Quai des brumes de Marcel Carné) ; c’est ensuite la retranscription visuelle des procédés littéraires de la poésie qui intéressent les contributeurs qui cherchent à définir l’adaptation de certaines techniques comme la métaphore ou la question du rythme ; à cette analyse comparative répond une ambition de reconstruire la problématique du poétique à travers le prisme du cinéma et de son rapport ontologique au réel ; enfin, c’est une approche littérale qui clôture l’ouvrage à travers une étude particulièrement intéressante de la représentation de la figure du poète à l’écran. Ces différentes perspectives de recherche s’accomplissent à travers un corpus dont il faut féliciter l’éclectisme et la cohérence. Du court métrage expérimental au cinéma de la tradition, du classique au contemporain, les exemples se multiplient. Aux tours d’horizon dont profitent certaines filmographies d’auteurs (Agnès Varda, Raoul Ruiz, Béla Tarr) répondent une focalisation sur certaines productions en particulier (Le Miroir de Tarkovski ; Un jeune poète de Damien Manivel) et l’étude de mouvements cinématographiques singuliers (le néroréalisme italien qui bénéficie d’une jolie étude de fond).
La pluralité de ces objets d’étude profite d’une exigence méthodologique particulièrement soutenue. Chaque auteur parvient à approfondir son sujet à partir de la problématique d’ensemble, creusant le rapport entre le mot et l’image par le biais d’analyses souvent stimulantes et probantes.
Si la présence d’un index aurait pu s’avérer utile, on notera la présence d’une bibliographie relativement fournie qui balise le parcours théorique et analytique de cette notion sur laquelle le cinéphile et l’écrivain de cinéma ne cesse de revenir.
- UN CINÉMA EN QUÊTE DE POÉSIE
- Autrice : Nadja Cohen (sous la direction de)
- Éditions : Les Impressions Nouvelles
- Date de parution : 4 mars 2021
- Langues : Français uniquement
- Format : 416 pages
- Tarifs : 28 €