Résumé : Dans un petit village de Pennsylvanie, Shana surprend sa soeur, Nessie, quittant d’un pas résolu leur maison. Lorsqu’elle tente de l’intercepter, la petite fille ne réagit pas à sa présence. Mutique, absente, le regard vide, elle avance… Croyant à une crise de somnambulisme, Shana commence à la suivre. Rapidement, elles sont rejointes par un deuxième errant, frappé des mêmes symptômes que Nessie. Puis un autre. Bientôt, ils sont des centaines à converger vers la même destination inconnue, tandis que leurs proches, impuissants, leur emboîtent le pas. Très vite, cette mystérieuse épidémie enflamme le pays.
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Depuis 2011 et la parution de Double Dead, le romancier américain Chuck Wendig a su se créer une solide réputation au sein de la littérature de genre. Particulièrement prolixe et à l’aise dans la rédaction de séries romanesques, l’auteur prolonge son œuvre avec Les Somnambules, paru aux États-Unis en 2019, et qui a bénéficié d’une réception particulièrement favorable auprès du public et de la critique. Il faut en effet reconnaître à Wendig un certain talent dans la manière de tenir le spectateur en éveil. Pour un roman de plus de 1000 pages, la chose relève d’une gageure et souligne les qualités dramaturgiques à l’œuvre. D’abord une volonté d’aborder le phénomène fantastique depuis l’extérieur, c’est-à-dire à partir du regard d’un groupe de témoins qui se présentent comme de naturels adjuvants du lecteur. Le romancier parvient à caractériser assez brillamment ses protagonistes, faisant varier son style en fonction de leurs points de vue respectifs. On regrette cependant que cette manière accuse ponctuellement certaines faiblesses, la distinction entre les caractères n’étant pas toujours pleinement relayée par la forme de l’écriture. Ce manque est en partie cautionnée par le ton de la chronique qui définit la principale approche des Somnambules. C’est ici, sans doute, que le roman saura le plus pleinement convaincre les lecteurs. En narrant le développement d’une pandémie dont les origines et les conséquences demeurent inconnues, Wendig a fait preuve d’une prescience certaine puisque la parution originale du roman a précédé l’apparition du Covid-19. Dès lors, l’implication affective de chaque personnage est secondée par la description d’un contexte plus large et relatif aux réactions pullulant sur les réseaux sociaux.
L’auteur envisage la trame de son roman comme un moyen d’engager une réflexion critique et politique. La chose n’est jamais lourdement amenée mais s’insinue de façon progressive au fur et à mesure de l’avancée de la narration. Les « contaminés » se constituent comme une communauté et leur marche dépasse bien vite la simple interrogation de l’errance pour se revendiquer comme un authentique Mouvement.
Reste à savoir si Les Somnambules saura maintenir son originalité dans le temps. Car Wendig a parfois tendance à inscrire son récit dans une contemporanéité qui, dans quelques années, risque d’être datée. Tel personnage s’offre ainsi comme un décalque littérale de Donald Trump, tandis que le jargon des réseaux sociaux est abondamment employé (et l’on sait que la durabilité de ces terminologies ne cesse de s’estomper). Mais cette remarque est sans doute précipitée et ne doit pas faire perdre de vue l’intérêt romanesque de l’ouvrage.
Sur ce point, il est évident que Les Somnambules mériterait le même destin que Le Fléau de Stephen King (qui se présente sans nul doute comme l’une des principales références de Wendig), à savoir une déclinaison sur le grand ou le petit écran.
- LES SOMNAMBULES
- Auteur : Chuck Wendig
- Traduction : Paul Simon Bouffartigue
- Éditions : Sonatine
- Date de parution : 4 mars 2021
- Langues : Français et Anglais (sous le titre Wanderers paru en 2019 chez Del Rey)
- Format : 1174 pages
- Tarifs : 25 € (print) – 14,99 € (numérique)