Synopsis : Une femme, victime d’un kidnapping, contacte les urgences de la police. La ligne est coupée brutalement. Pour la retrouver, le policier qui a reçu l’appel ne peut compter que sur son intuition, son imagination et son téléphone.
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Profitant d’une diffusion sur Arte.tv jusqu’au 4 mai, The Guilty (2018) fait partie de ces films
dont le scénario se présente comme un moyen de servir le discours de la mise en scène sans pour
autant trahir l’intérêt dramaturgique du récit. Le danois Gustav Möller, qui signe ici son premier long métrage, respecte ainsi les lois du divertissement tout en parvenant à les plier aux enjeux de sa réalisation. Le huis clos se présente chez lui à la fois comme un dispositif, un concept et un défi apte à attiser l’imaginaire audio-visuel déployé par son œuvre. En se focalisant sur le service de nuit d’un agent de police chargé de répondre aux appels d’urgence, The Guilty interroge la relativité d’une situation en même temps que la problématique relationnelle propre à la fonction de son personnage. À la fois proche et lointain de ses interlocuteurs, Asger Holm (Jakob Cedergren) profite d’un arsenal de technologies qui lui permettent de repérer avec quasi-exactitude l’emplacement géographique de l’appel émis. Cette nuance a son importance. Holm ne profite nullement d’une quelconque omniscience et doit parvenir à composer avec les informations verbales qui lui sont progressivement transmises. Ce handicap n’est nullement supplée par la mise en scène. Là où Sidney Pollack avait dans Trente minutes de sursis (1965) cherché à proposer une vision globale de la situation dramatique en articulant le champ de l’émetteur au contrechamp du récepteur, Möller décide de se passer délibérément des images manquantes pour renforcer l’impact du récit. Ce choix ne doit pas seulement être considéré comme une astuce dramaturgique, mais comme un moyen d’approfondir les composantes de la mise en scène cinématographique.
En privilégiant les inserts, la longue focale et les tonalités sombres, le cinéaste confond le regard du spectateur avec celui du personnage. La perception butte contre l’obstacle de l’invisible et le sentiment d’asphyxie devient palpable. On songe par moments à Buried (Rodrigo Cortés, 2010), mais The Guilty va plus loin dans la personnification de son cadre spatiale. Car Asger Holm n’est pas à proprement parler enfermé. La limite que lui impute son rôle se présente d’abord comme une tâche obligée et à laquelle il souhaite pouvoir échapper. Mais, progressivement, le policier se prend au jeu et considère sa mission comme un moyen d’expier ses propres fautes. Une nouvelle limite s’ajoute alors au récit, celle d’une temporalité qui, là encore, ne parvient à être dépassée.
Jamais lourdement appuyée, cette particularité scénaristique évite soigneusement de s’engoncer dans une approche trop symbolique du rôle. Ni bourreau ni martyr, le personnage principal subit autant qu’il exploite la situation dans laquelle il se trouve enfermé. Ce qui parvient alors à pallier l’invisible relève du dicible, de la faute que la parole parvient à expier. Alors qu’un remake américain a été annoncé pour 2021 (avec Antoine Fuqua à la réalisation et dont la diffusion sera assurée par Netflix), on espère que les singularités de la réalisation de Möller seront conservées. Car c’est bien du côté de cette dernière que le film mérite d’être découvert et apprécié à sa juste valeur.
- THE GUILTY
- Diffusion : du 28 avril au 4 mai 2021
- Chaîne / Plateforme : Arte.tv
- Réalisation : Gustav Möller
- Avec : Jakob Cedergren, Jacob Lohmann, Laura Bro, Morten Thumbo, Peter Christophersen, Morten Surrbaale, Johan Olsen, Katinka Evers-Jahnsen, Jeanette Kindbaek, Anders Bink Madsen, Jessica Dinnage, Omar Shargawi.
- Scénario : Gustav Möller et Emil Nygaard Albertsen
- Producteurs : Lina Flint
- Photographie : Jasper Spanning
- Montage : Carla Luffe Heintzelmann
- Décors : Gustav Pontoppidan
- Musique : Carl Coleman et Caspar Hesselager
- Durée :1h28
- Sortie initiale : 18 juillet 2018