Synopsis : Bagdad est une skateuse de 17 ans qui vit à Freguesia do Ó, un quartier populaire de la ville de São Paulo, au Brésil. Bagdad skate avec un groupe d’amis masculins et passe beaucoup de temps avec sa famille et avec les amis de sa mère. Ensemble, les femmes qui l’entourent forment un réseau de personnes qui sortent de l’ordinaire. Lorsque Bagdad rencontre un groupe de skateuses féminines, sa vie change soudainement.
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Depuis maintenant trente ans, le skate-board a remplacé l’automobile dans la mythologie adolescente. Alors qu’en 1955 les lycéens de La Fureur de vivre (Nicholas Ray) s’amusaient à tromper la mort et leur ennui à travers des courses de bolides, c’est aujourd’hui à coups de slides et de tricks qu’une certaine jeunesse se met au défi de dépasser ses limites. Le cinéma américain contemporain a ainsi tôt fait d’intégrer la fameuse planche à roulettes à l’univers du teen movie. Si la culture du skate a le plus souvent été reléguée dans le hors-champ de ces productions grand public, certains cinéastes ont cherché à en faire le motif central de leurs films. De Kids (1995) à Wassup Rockers (2004), Larry Clark l’a érigé comme symbole d’un âge du désœuvrement pulsionnel et mélancolique, tandis qu’avec Les Seigneurs de Dogtown (2005), la réalisatrice Catherine Hardwicke a cherché à comprendre les origines de ce phénomène. Ce n’est pourtant pas aux États-Unis mais au Brésil qu’a été réalisé Je m’appelle Bagdad, second long métrage de Caru Alvez de Souza. Narrant le quotidien d’une jeune skateuse et de son groupe d’amis dans une banlieue de São Paulo, le film prend la forme d’une chronique douce-amère. L’intérêt du scénario coécrit par la réalisatrice et Josefina Trotta est ne jamais forcer le conflit. La marginalité de Bagdad, dont la coupe garçonne et le visage émacié contrastent avec les canons de beauté officiels, s’épanouit au sein d’un environnement familial acquis à sa cause.
Mère et enfants s’entre-aident joyeusement, les voisins queer du salon de beauté sont doux et affables et si la parole s’élève parfois c’est d’abord pour laisser éclater la sonorité mélodieuse de l’accent brésilien. C’est de cette douce harmonie que découle la force du malaise qui finit par envahir le film. Palpée de force par un policier puis agressée par l’un de ses amis, Bagdad subit les outrages d’un monde peu soucieux de respecter la condition féminine mais fait aussi l’expérience d’une nouvelle sorte de solidarité. Fort heureusement, Je m’appelle Bagdad ne tire pas exactement de ces moments les bases d’un discours général. Si l’apparition du genre masculin dans ce milieu principalement dominée par les figures féminines relève bien souvent d’une potentielle menace, la chose demeure en suspens.
La cinéaste parvient ainsi à préserver cette troublante atmosphère de légèreté malaisante, inscrivant sa mise en scène dans un mélange de film de famille et de comédie musicale. Aux sons d’une bande-musicale électro, les figures exécutées dans le skate-park prennent valeur d’authentiques chorégraphies qui renvoient aux danses exécutées par Bagdad et ses compagnons au cours de séquences métaphoriques. Si l’on peut reprocher à Caru Alvez de Souza de parfois trop s’épancher dans la bonne humeur ambiante, Je m’appelle Bagdad exprime une force d’expérimentation qui suscite indéniablement l’intérêt. Se refusant à toute forme de didactisme, le film se présente comme une tranche de vie que l’on aurait tort de refuser.
- JE M’APPELLE BAGDAD (Meu nome é Babda)
- Sortie salles : 22 septembre 2021
- Réalisation : Caru Alvez de Souza
- Scénario : Caru Alvez de Souza et Josefina Trotta
- Avec : Grace Orsato, Helena Luz, Karina Buhr, William Costa, Marie Maymone, João Paulo Bienermann, Gilda Nomacce, Marie Maymone, Paulette Pink, Nick Batista, Emílio Serrano
- Production : Rafaella Costa et Caru Alvez de Souza
- Photographie : Camila Cornelsen
- Montage : Willem Dias
- Musique : Will Robson
- Décors : Marinês Mencio
- Costumes : Silvana Marcondes
- Distributeur : Wayna Pitch
- Durée : 1 h 38