Résumé : Zombies, extraterrestres, holocauste nucléaire, robots androïdes, disparitions mystérieuses et virus exterminateurs sont révélateurs de la grande peur des États-Unis : la chute de la nation. En banalisant les images de la catastrophe, les séries post-apocalyptiques habituent les gens au spectacle du « pire », sans pour autant les confronter aux menaces réelles que connaît la Terre aujourd’hui. Car comme le démontre Apocalypse Show, quand l’Amérique s’effondre, les États-Unis préfèrent imaginer la fin du monde plutôt qu’envisager la fin du capitalisme.
♥♥♥♥♥
Si la fin du monde au cinéma a déjà été brillamment analysée dans différents ouvrages, tant sur son plan conceptuel (L’Apocalypse-cinéma de Peter Szendy) que sur son versant esthétique et thématique (L’imaginaire de l’apocalypse au cinéma, sous la direction de Sébastien Fevry, Arnaud Join-Lambert, et Serge Goriely), ses mises en scène télévisuelles ont souvent été reléguées dans le hors-champ de la réflexion cinéphile. La faute à la faible qualité de ces images ou de ces récits ? La récente réhabilitation théorique des séries permet de battre en brèche ces idées reçues et incite à reconsidérer leur contenu et leur traitement selon un renouvellement des perspectives traditionnelles. C’est justement sur ce point que l’essai d’Anne Lise Melquiond, enseignante en histoire et géographie, convainc le lecteur. Loin de se limiter au référencement stérile, l’auteure prend soin d’interroger directement le rapport entretenu par les normes du médium télévisuel et la représentation de la fin du monde. Concentrant son corpus d’exemples sur la cinématographie américaine post-11 septembre, l’ouvrage analyse brillamment les particularités spatiales et temporelles de ces mises en scène apocalyptiques. The Walking Dead ou Battlestar Galactica, The Leftlovers ou Révolution, The Last Ship ou Designated Survivor révèlent la profusion des genres, registres et démarches narratives dont profite la fin du monde sur les petits écrans.
Sans jamais se laisser emporter par la multiplicité de ses exemples, Melquiond se focalise sur chacun d’entre eux à travers des analyses précises engageant différentes approches analytiques (civilisationnelle, esthétique, thématique…). Soutenu par de nombreuses références philosophiques (de Aristote à Walter Benjamin, de Giorgio Agamben à Jean-Luc Nancy), le propos impressionne par sa valeur scientifique non exempte d’un authentique souci de clarté.
Aux problématiques générales qu’impose son sujet d’étude, l’auteure interroge les déterminismes existentiels qui soutiennent la force dramaturgique des séries télévisées. Reconsidérant le passage entre la vie et la mort, l’apocalypse sur petit écran invite le spectateur à approfondir son rapport à la société selon une morale ambigüe, oscillant entre la prise et la préservation de la conscience face à l’horreur bien réelle de la catastrophe présente.
Méritant par son exigence, ce travail de synthèse incite tout à la fois à réévaluer la valeur historique incarnée par les séries et à comprendre l’importance du geste analytique qui cherche à les approcher.
- APOCALYPSE SHOW, QUAND L’AMÉRIQUE S’EFFONDRE
- Autrice : Anne-Lise Melquiond
- Éditions : Playlist Society
- Collection : Essai/Série
- Date de parution : 7 septembre 2021
- Langues : Français uniquement
- Format : 160 pages
- Tarifs : 14 € (print) – 7 € (numérique)