Coffret / Pandora de Albert Lewin : critique

Publié par Jacques Demange le 26 octobre 2021

Synopsis : À la fin de l’été 1930, deux corps sont repêchés au large du village d’Esperanza, en Espagne. Quelques mois plus tôt, la chanteuse américaine Pandora Reynolds enflammait les cœurs de tous les hommes de la région. Un soir, Pandora observe un yacht amarré dans la baie et décide de s’y rendre à la nage. Elle fait alors la rencontre de son propriétaire, Hendrick van der Zee, qui n’est autre que le Hollandais volant de la légende.

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Pandora - jaquette

Pandora – jaquette

En choisissant d’introduire Pandora (1951) par la réparation d’un vase antique brisé, Albert Lewin file la métaphore du puzzle dont l’assemblage lève progressivement le voile sur l’énigme de sa représentation autant qu’il insiste sur la question de l’origine de toute entreprise artistique. Croisant la légende du Hollandais volant avec le mythe de Pandore, le scénario s’articule autour de cette séduisante dangerosité que l’on trouve à la base de toute malédiction. Pandora impressionne d’abord par son atmosphère troublante et la beauté morbide qui atteint la composition de ses images. Aussi belle que fatale, Pandora Reynolds sème la mort sans s’en apercevoir. Le visage d’Ava Gardner partage avec les statues antiques la pureté éternelle des traits et la plasticité parfaite d’un corps que Lewin et son chef-opérateur, Jack Cardiff, magnifient par la lumière, les couleurs et le recours ponctuel au grand angle. La jeune femme possède le regard de la Méduse, hypnotisant ses proies pour mieux les morfondre dans leur solitude. Réclamant la destruction d’une voiture de course ou saccageant une peinture, le personnage semble irrémédiablement attiré par l’idée de la chute. D’où son intérêt pour les trompe-la-mort qui, du coureur automobile Stephen Cameron (Nigel Patrick) au torero Juan Montalvo (Mario Cabré), participent à la valse amoureuse qu’elle dirige à travers une gravité charmeuse. L’amour véritable se réserve à celui dont le sort a déjà été scellé par les Dieux : Hendrick Van der Zee (James Mason), marin maudit peignant sur la toile le visage de celle qui hante ses cauchemar de rédemption.

 

Ava Gardner - Pandora

Ava Gardner – Pandora

 

Pandora est un film étrange qui semble emprunter plusieurs fils narratifs pour mieux déjouer les codes des genres. Parfois proche du Peter Ibbetson (1935) d’Henry Hathaway, la mise en scène de Lewin vise d’abord le merveilleux. Loin des femmes fatales du film noir ou des amantes déchues du mélodrame, Pandora se réclame d’une nature divine, forcément irrésistible. En choisissant d’emprunter le mode du récit indirect, le film entretient un doute quant à la nature de ses images. Plus encore que dans Le Portrait de Dorian Gray (1945), Lewin opte pour l’enchâssement, n’hésitant pas à entrelacer les époques et les régimes narratifs pour mieux dérouter son spectateur.

 

Cette confusion participe à la fascination exercé par le film. Si Pandora marque le sacre d’Ava Gardner, chaque personnage bénéficie d’un traitement particulier qui lui assure l’attention du public. Hendrick Van der Zee en particulier dont l’aura romantique est enrichie par l’interprétation de James Mason dont les expressions angoissées font perler sur son front les gouttes d’une culpabilité glaçante.

 

Ava Gardner et James Mason - Pandora

Ava Gardner et James Mason – Pandora

 

Ce lavis pathologique s’imprime sur la surface des images dont les couleurs se détachent délibérément de la chaleur rassurante du Technicolor. Lewin opte pour une palette non moins forte mais plus nuancée qui dilue le scintillement du rouge par l’apposition de touches froides. En résulte une pâleur tout à fait surprenante dont la magnifique restauration 4K proposée par la maison Carlotta restitue tout l’éclat.

 

Parmi les suppléments contenus dans ce coffret, il faut d’abord retenir le livre de l’historien du cinéma Patrick Brion. Revenant sur les différentes étapes de création du film (témoignages de ses principaux acteurs et techniciens à l’appui), l’auteur dresse un beau portrait d’Albert Lewin qui lui permet d’insister sur l’originalité de son œuvre et les singularités de Pandora en particulier. L’écrit de Brion bénéficie en outre d’une élégante mise en page qui n’a pas fait l’impasse sur les illustrations. Ce tour d’horizon très complet est encore soutenu par certains bonus parmi lesquels se distingue un instructif entretien avec Jack Cardiff qui revient sur certaines scènes pour en commenter l’élaboration. La boîte de Pandore mérite donc pleinement d’être (ré)ouverte.

 

 

 

  • PANDORA
  • Sortie : 27 octobre 2021
  • Format / Produit : Coffret ultra collection Blu-ray + DVD + livre de 160 pages
  • Réalisation : Albert Lewin
  • Avec : Ava Gardner, James Mason, Nigel Patrick, Sheila Sim, Harol Warrender, Mario Cabré, Marius Goring, John Laurie, Abraham Sofaer, Margarité d’Alvarez
  • Scénario : Albert Lewin
  • Production : Joe Kaufmann et Albert Lewin
  • Photographie : Jack Cardiff
  • Musique : Alan Rawsthome
  • Montage : Ralph Kemplen
  • Décors : John Bryan
  • Costumes : Beatrice Dawson
  • Distribution : Carlotta Films
  • Durée : 124 minutes
  • Prix : 50 € (coffret ultra collector en édition limitée et numérotée) – 20 € (DVD et Blu-ray)

 

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Source: CBO Box office

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