Synopsis : Tourné au cours de l’hiver 2020, Michael Cimino, un mirage américain, repart sur les traces de Michael Cimino, à la recherche de son Ouest, cette Amérique réelle et fantasmée qui a traversé ses films.
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Voilà dix ans maintenant que Jean-Baptiste Thoret cherche à percer le paradoxe qui entoure l’identité de Michael Cimino. Après la rédaction d’un ouvrage (Michael Cimino. Les voix perdues de l’Amérique paru chez Flammarion en 2013), c’est un film qui prolonge cette enquête toute à la fois empreinte de mélancolie et de lucidité. Car le décès du réalisateur en 2016 succéda à sa disparition des écrans actée depuis vingt ans déjà avec The Sunchaser, son dernier long métrage. C’est donc un spectre que capture le documentaire de Thoret, une impression fugitive et éparse, une atmosphère latente et pourtant si sensible. Sa caméra s’installe d’abord dans la ville de Mingo Junction qui constitua le cadre de Voyage au bout de l’enfer (1978), chef-d’œuvre récompensé par cinq Oscars. Thoret y enregistre ces visages et ces voix échappés de la mémoire américaine. Car c’est bien le portrait d’une nation que se propose d’abord de représenter le documentaire avant de revenir vers son sujet principal. Ce détour était nécessaire pour comprendre l’impact des films de Cimino, moins portés par le caractère spectaculaire de leurs récits que par l’humanité qui en constituait la sève première. Thoret retrouve alors la forme chorale qui fit la manière du réalisateur. À mi-chemin entre le documentaire cinéphile et l’essai anthropologique, Michael Cimino, un mirage américain restitue la force de ce mouvement spatial et temporel qu’emprunta si souvent le réalisateur de La Porte du paradis (1980).
Les voix entendues (dont celle de Cimino) sont éraillées, les traits fatigués. Pourtant subsiste cette puissance propre à l’élégie. La qualité du documentaire est donc moins de chercher à démontrer ce que chacun sait déjà (le réalisateur comme artiste maudit subissant les assauts acharnés de la critique) que de rendre à l’œuvre de Cimino sa vigueur première.
Entre continuité et rupture, humilité et jusqu’au-boutisme, regret et revendication, le regard transperce la brume du passé pour appeler au réveil du lyrisme. D’où le choix du format CinemaScope qui embrasse en un seul plan la gigantisme du paysage. Thoret nous rappelle ce que Cimino devait à Ford. Chez les deux cinéastes, l’héroïsme individuel ne pouvait s’épanouir que dans le paysage de l’Amérique et à travers les communautés que celui-ci abrite.
Déserts, montagnes et ville minière : la démarche paysagère de Thoret s’inscrit dans celles des maîtres du Septième art auxquels il rend hommage. Le documentaire doit alors autant s’apprécier pour la qualité de ses commentaires que pour la beauté qui émane de ses images. Ou quand le geste de l’analyste s’accomplit par celui du cinéaste.
- MICHAEL CIMINO, UN MIRAGE AMÉRICAIN
- Sortie salles : 19 janvier 2022
- Réalisation et Scénario : Jean-Baptiste Thoret
- Avec : John Savage, Quentin Tarantino, Oliver Stone, James Toback, Tommy Fitzgerald, Jim Freiling, Kathy Freiling
- Production : Richard Frank, Christophe Gougeon, Marc Orly
- Photographie : Laurent Brunet
- Montage : Sébastien de Sainte Croix
- Distribution : Lost Films
- Durée : 1 h 51