Disparue ce 2 février 2022 à l’âge de 90 ans, l’actrice Monica Vitti laisse derrière elle une œuvre éclectique qui parvint à concilier rire et modernité.
Muse de Michelangelo Antonioni, l’actrice italienne Monica Vitti a souvent été reléguée dans l’ombre de son pygmalion. À revoir sa filmographie, force est pourtant de constater que son œuvre ne peut être réduite à cette collaboration unique, aussi importante soit-elle.
Confondre l’actrice avec les héroïnes de L’Avventura (1960), La Nuit (1961), L’Eclipse (1962), et Le désert rouge (1964) fait surtout prendre le risque d’enfermer son jeu dans un registre quelque peu monolithique qui minimise l’étendue de son talent. Car la notoriété de Vitti doit autant à ses rôles mélodramatiques qu’à sa capacité à se fondre dans la tonalité légère de la comédie.
C’est ce versant que choisiront de mettre en valeur Mario Monicelli (La Fille au pistolet [1968]), Luciano Salce (Le Canard à l’orange [1975]), ou Alberto Sordi (Je sais que tu sais [1982]). Ettore Scola lui confie de son côté le rôle de l’amoureuse indécise de Drame de la jalousie (1970), beau film qui voyait Vitti hésiter entre le charme délicat de Marcello Mastroianni et celui, plus viril, de Giancarlo Gianni.
L’actrice y apparaît aussi belle qu’aventureuse, sa discrétion naturelle répondant à une excentricité ouvertement artificielle, deux extrêmes stylistiques que s’emploieront à décliner la plupart de ses films à sketchs qui, de Haute Infidélité (1964) à Drôles de couples (1970), la voit adapter son jeu aux exigences du format court.
Si le réalisateur hongrois Miklós Jancsó profite clairement de son statut d’égérie du cinéma moderne dans La pacifista (1970), c’est bien cette tonalité comique qui lui permettra de s’imposer à l’étranger. Joseph Losey la choisit ainsi pour interpréter le rôle de l’espionne Modesty Blaise (1966) aussi à l’aise pour les séquences d’action que pour le changement de look. Ce côté fantasque prendra une tournure résolument délirante avec son interprétation de l’épouse Foucaud dans Le Fantôme de la liberté (Luis Buñuel, 1974) qui jouait sciemment de l’apparence candide l’actrice pour mieux relativiser l’innocence de son personnage.
Vitti participa par ailleurs à la révolution du genre féminin sur le grand écran. La galerie de rôles de Moi, la femme (Dino Risi, 1971) lui permet d’exprimer les différentes facettes d’une féminité aussi éclectique qu’impétueuse. Deux ans plus tôt, La Femme écarlate (Jean Valère, 1969) annonçait déjà cette démarche, le personnage de Vitti prenant conscience de la nécessité de se libérer des chaînes de sa relation amoureuse pour affirmer son autonomie sentimentale. Ce sera justement cette indépendance d’esprit qui fera le prix de son rôle de souveraine dans Le Mystère d’Oberwald (1982), son ultime collaboration avec Antonioni, qui la voit exercer son droit d’aimer jusqu’à la mort.
Il convient enfin de noter que Vitti ne fut pas seulement une actrice géniale mais aussi une scénariste douée (Flirt [1983] de Roberto Russo) et la réalisatrice d’un film unique, Scandale secret (1983) qui lui permit de s’offrir son dernier rôle à l’écran.