Coda de Sian Heder : critique

Publié par Jacques Demange le 22 avril 2022

Synopsis : Dans une ville de pêcheurs du Massachusetts. Ruby, dix-sept ans, est l’unique membre de sa famille à ne pas être atteint de surdité. Sa vie se résume à servir d’interprète pour ses parents et, chaque jour, à aider son père et son frère sur le bateau de pêche familial avant de se rendre à l’école. Lorsque Ruby s’inscrit à la chorale du lycée, elle se découvre un don pour le chant et s’éprend de son partenaire Miles.

♥♥♥♥

 

Coda - affiche

Coda – affiche

Coda, disponible sur Apple TV+, sort finalement dans quelques salles françaises mais sera visible pour deux jours seulement, les 23 et 24 avril (chronologie des médias oblige). Si le film profite d’une certaine aura depuis l’obtention de l’Oscar du meilleur film, après le Grand prix du jury et le Prix du public au Festival du film de Sundance, la production de Sian Heder, qui signe son second long métrage après l’intéressant Tallulah, traîne aussi derrière elle son statut de remake. Il y aurait pourtant risque à vouloir absolument rapprocher Coda de La Famille Bélier (Éric Lartigau, 2014), son modèle français, et de ne voir dans l’approche de Heder qu’une variation autour d’un cadre narratif préétabli. Car si le scénario demeure le même, l’environnement se modifie en profondeur à défaut d’accuser de véritables transformations de surface. Mêmes thématiques et motifs se retrouvent ainsi déclinés d’une manière différente. Coda reprend ainsi à son compte la problématique de la surdité pour en faire la matière d’une réflexion sur l’indépendance et l’autonomie, la liberté et le lien familial, la peine au travail et la solidarité, mais impose un ton décalé qui faisait défaut au film originel de Lartigau. En choisissant de se focaliser sur une famille de pêcheurs du Massachussetts, la réalisatrice réaffirme son intérêt pour une americana oubliée, celle des cols bleus progressivement déclassés par un système économique pernicieux et qui ne reconnaît plus la dureté et la beauté du travail manuel. D’où le temps que la mise en scène consacre aux scènes de pêche qui insistent sur l’exécution d’actions qui, de la pêche au filet à la découpe du poisson, affirment l’importance du contact concret avec la matière.

 

Emilia Jones - Coda

Emilia Jones – Coda

 

Ici s’esquisse un premier beau lien avec la langue des signes qui matérialise les mots sous la forme de gestes mais aussi le principal désaccord incarné par la passion de la jeune Ruby (Emilia Jones) pour le chant. Car celui-ci se dérobe en effet de la logique du contact pour prendre une forme volatile qui échappe à l’ancrage caractéristique de l’environnement familial et professionnel de l’adolescente. Sur ce point, les séquences de chant font directement écho à ceux de la pêche. Le travail vocal, la posture physique, le contact avec le partenaire font appel à des fonctions (respiration, regard, tension et relâchement) qui recomposent le lien entre le corps et l’espace pour envisager le monde autrement.

 

Entre les lignes des dialogues signés ou oralement exprimés s’affirme la défense d’une différence qui cherche assez intelligemment à faire fi des catégories socialement instituées. Ainsi du laid et du beau, du monstrueux et de la normalité, traditionnelles dichotomies européennes que le film de Heder parvient à faire siennes. L’intelligence de Coda est alors de ne pas se satisfaire d’une simple opposition de surface mais d’explorer la complexité des rapports qui se tissent entre ces différentes notions. L’égoïsme de la mère (Marlee Matlin), la lâcheté du père (Troy Kotsur), ou la frustration du frère (Daniel Durant) s’assument sans ambages tout en profitant d’une nuance qui assure de l’unicité du discours tenu par le film. Dès lors, Coda dépasse le simple feel good movie pour proposer un récit d’initiation conciliant sensations et engagement.

 

 

 

  • CODA
  • Projection exceptionnelle en salle en France : les 23 er 24 avril 2022
  • Sortie initiale en salles : 13 août 2021 (États-Unis)
  • Chaine / Plateforme : Apple TV+
  • Réalisation : Sian Heder
  • Avec : Emilia Jones, Marlee Matlin, Troy Kotsur, Daniel Durant, Eugenio Derbez, John Fiore, Lonnie Farmer, Kevin Chapman, Amy Forsyth, Courtland Jones, Molly Ben Thomas, Ferdia Walsh-Peelo, Ayana Brown
  • Scénario : Sian Heder (d’après le scénario de La Famille Bélier coécrit par Victoria Bedos et Stanislas Carré de Malberg)
  • Production : Fabrice Gianfermi, Philippe Rousselet, Patrick Wachesberg
  • Photographie : Paula Huidobro
  • Montage : Geraud Brisson
  • Musique : Marius De Vries
  • Distribution : Pathé cinéma
  • Durée : 111 minutes

 

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