Synopsis : Elise, 26 ans est une grande danseuse classique. Elle se blesse pendant un spectacle et apprend qu’elle ne pourra plus danser. Dès lors sa vie va être bouleversée, Elise va devoir apprendre à se réparer.
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En corps a le goût des certitudes. Les inconditionnels de Klapisch y retrouveront avec plaisir les tropes, motifs et thématiques d’un cinéma qui, depuis Riens du tout (1992) jusqu’à Deux moi (2019), sut célébrer l’idée de la rencontre comme moyen d’échapper à la quotidienneté d’une mélancolie sociétale et existentielle. Les détracteurs du cinéaste pourront quant à eux continuer à lui reprocher son goût pour l’entre-soi qui fait parfois éprouver les limites de son exploration de l’intime. En corps conquiert donc moins qu’il convainc du bien (ou du mal) que l’on pouvait penser de l’univers klaphischien. Toujours est-il qu’un élément en particulier vient ici approfondir ce constat et, peut-être, ébranler nos certitudes. Car en intégrant la danse à l’intérieur de son dispositif, Klapisch prouve à la fois l’adaptabilité de son approche dramaturgique (capable donc d’accueillir des éléments qui lui seraient a priori extérieurs) et le renouvellement d’une réalisation qui excelle dans la représentation des séquences chorégraphiques. Représentation et non captation, tant le réalisateur parvient à signifier l’énergie, la force et la perte, du geste dansé. Entre maîtrise et relâchement, préparation et instinct, celui-ci permet de porter un nouveau regard sur le drame amoureux raconté par En corps.
En se focalisant sur l’apport physique de la création, Klapisch semble éviter le creux dans lequel pouvait sombrer certaines de ses précédentes productions (on pense à Paris [2008] où la danse, déjà, s’effaçait au profit d’une pénible errance sur la maladie) pour exprimer une sorte de vitalité propre à un recommencement plutôt qu’à un simple prolongement. On pense ainsi par moments à cette jeunesse éternelle que Klapisch avait si bien su dépeindre dans Le Péril jeune (1994) et L’Auberge espagnole (2002) à travers notamment la liberté qui émanait des expressions du jeune Romain Duris. Sur ce point, en effet, il convient de noter en quoi la distribution participe à cette impression.
Là où Denis Podalydès, Muriel Robin et Pio Marmaï affirment le goût toujours prégnant de Klapisch pour le bon mot et l’attitude qui sonne juste, Marion Barbeau détonne et surprend en conciliant différentes approches qui du maintien de la pose à l’enchaînement des postures résout l’écart entre classicisme et contemporain par l’expression d’une semblable volupté du pas et du geste. D’où cette empathie si singulière qui émane de En corps et dont le titre même annonçait l’originalité. Klapisch fait sans doute encore du Klapisch, mais inscrit dans la similarité un autre corps dont la singularité traverse l’œuvre d’un souffle de nouveauté. Preuve que c’est en atteignant la maturité que les grands réalisateurs parviennent à mieux se détacher des attentes pour parvenir encore un peu à nous étonner.
- EN CORPS
- Sortie salles : 30 mars 2022
- Réalisation : Cédric Klapisch
- Avec : Marion Barbeau, Hofesh Schechter, Denis Podalydès, Muriel Robin, Pio Marmaï, François Civil, Souheila Yacoub, Mehdi Baki, Alexia Giordano
- Scénario : Cédric Klapisch et Santiago Amigonera
- Production : Cédric Klapisch et Bruno Levy
- Photographie : Alexis Kavyrchine
- Musique : Hofesh Schelter et Thomas Bangalter
- Montage : Anne-Sophie Bion
- Décors : Marie Cheminal
- Costumes : Anne Schotte
- Distribution : StudioCanal
- Durée : 120 minutes