Pinocchio de Guillermo del Toro et Mark Gustafson : critique

Publié par CineChronicle le 18 décembre 2022

Synopsis : Le réalisateur Guillermo del Toro, primé aux Oscars, revisite le conte de Carlo Collodi sur une marionnette qui, comme par magie, prend vie pour apaiser le cœur d’un sculpteur sur bois du nom de Geppetto. Cette épopée musicale et fantastique en stop-motion réalisée par Guillermo del Toro et Mark Gustafson suit les aventures de l’espiègle et désobéissant Pinocchio qui cherche sa place dans le monde.

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Pinocchio de Guillermo del Toro -affiche

Pinocchio de Guillermo del Toro -affiche

Presque quinze ans après l’annonce du projet par Guillermo de Toro, son adaptation du roman de Carlo Collodi, Les Aventures de Pinocchio, voit le jour sur Netflix. Si le réalisateur est familier du cinéma d’animation, en tant que producteur de films (La Légende de Manolo, 2014) ou de créateur de série (Les Contes d’Arcadia, sorti également sur Netflix), c’est la première fois qu’il réalise un long-métrage en image animée. Il se fait ici secondé par Mark Gustafson, animateur connu notamment pour sa participation à Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson. L’animation en stop-motion donne un cachet inestimable à ce nouveau Pinocchio. Car non seulement le pantin de bois est bel et bien une marionnette, sur le plateau de tournage, dont quelqu’un tire les ficelles, mais à laquelle le film confère une autonomie suffisante pour que le public y voie un “vrai petit garçon.” Mais également car la direction artistique soignée donne du corps et du mouvement à absolument tous les personnages et éléments de décors qui composent le film. Le moindre détail fait ici attraction, contrecarrant la lassitude qui pourrait émerger au cours de quasi deux heures de visionnage. La patte de del Toro transparaît immédiatement dans son film. Le roman de Collodi a inspiré des dizaines de films et séries : du dessin-animé un peu édulcoré de Walt Disney, récemment revisité en live-action sur Disney+, au détournement plus étrange de Steven Spielberg dans A.I. Intelligence artificielle. Guillermo del Toro parvient toutefois à s’affranchir de ces propositions existantes et propose une relecture très personnelle de l’histoire du patin qui voulait être un garçon.

 

Pinocchio de Guillermo del Toro

Pinocchio de Guillermo del Toro

 

Le film frappe d’entrée de jeu par son atmosphère sombre, inspirée des créations et de la cinéphilie du maître de l’horreur. La scène de sculpture de Pinocchio met en scène un Geppetto terrifiant, aux allures de Docteur Frankenstein. La Fée des bois et sa sœur la Mort ne sont pas sans rappeler les créatures mystiques du Labyrinthe de Pan.

 

Amoureux des monstres, auxquels il confère parfois plus d’humanité qu’aux humains eux-mêmes (Hellboy, La Forme de l’eau), Guillermo del Toro choisit également de faire de son Pinocchio un être de bois aux allures végétales et à la peau d’écorce. Impossible de le confondre avec les autres enfants de la bourgade. L’humanité du petit Pinocchio lui est physiquement interdite, et c’est par ses seuls comportements que le personnage va nous convaincre progressivement qu’il est un garçon comme les autres.

 

David Bradley et Gregory Mann - Pinocchio de Guillermo del Toro

David Bradley (Geppetto) et Gregory Mann (Pinocchio) – Pinocchio de Guillermo del Toro

 

Le pantin dont le nez s’allonge dès qu’il dit un mensonge n’est pas avare en bêtises, lesquelles contrastent pourtant avec un fond pétris de bonnes intentions et un amour inconditionnel envers son père et créateur. Loin des accents moralisateurs du film des années 1940, le Pinocchio de Netflix nous montre certes un petit pantin naïf, avare et oisif. Mais ces défauts enfantins sont contrebalancés par les exigences du père. Geppetto recherche en Pinocchio son fils décédé, Carlo – bel hommage de l’équipe à l’auteur original – et attend du pantin de bois qu’il copie et remplace ce fils disparu. Dès lors, Pinocchio est confronté à une inévitable imperfection et essaye de briller par tous les moyens : en devenant l’esclave d’un marionnettiste violent et menteur, en se laissant enrôler parmi les jeunes recrues de Mussolini, etc.

 

Réinscrivant le conte dans la grande Histoire italienne, del Toro oublie les ânes et transforme plutôt les jeunes garçons en pantins du fachisme, en chair à canon. Dans ce contexte totalitaire, la désobéissance permanente de Pinocchio acquiert d’ailleurs un aspect salvateur, libertaire. Celui qui s’écarte du chemin tout tracé par les règles en vigueur devient capable de décider de son devenir.

 

Pinocchio de Guillermo del Toro

Pinocchio de Guillermo del Toro

 

Les thématiques du deuil et du rapport à la mort sont quant à elles abordées avec une poésie macabre. Matérialisés par des yeux fantomatiques, les esprits de la forêt font montre d’une omniscience inquiétante. Le monde de la mort se peuple de lapins tout droit sortis d’une fable de David Lynch. Le tout est cependant contrasté par de jolis moments musicaux, pleinement intégrés à la narration, à la manière des premiers longs-métrages de Disney. Ces chansons participent aussi à quelques touches d’humour, comme la rengaine sans cesse interrompue du criquet Sebastian.

 

Mêlant la poésie au grand spectacle, le conte à l’historique et le morbide au sublime, Pinocchio compose une merveilleuse ode à la vie, dans ce qu’elle a de périssable et de précieux.

 

Aésane Geeraert

 

 

 

  • PINOCCHIO
  • Diffusion : 9 décembre 2022
  • Chaîne / Plateforme : Netflix
  • Réalisation : Guillermo del Toro, Mark Gustafson
  • Avec les voix de : Gregory Mann, David Bradley, Ewan McGregor, Ron Perlman, Finn Wolfhard, Cate Blanchett, Christoph Waltz, Tilda Swinton, Burn Gorman, John Turturro, Tim Blake Nelson, Tom Kenny
  • Scénario : Guillermo del Toro, Patrick MacHale, Matthew Robbins
  • Production : Alexander Bulkley, Guillermo del Toro, Corey Campodonico, Lisa Henson, Gary Ungar, Melanie Coombs, Jason Lust, Blanca Lista, Gris Grimly
  • Photographie :  Frank Passingham
  • Montage : Ken Schretzmann, Holly Klein
  • Conception graphique : Gris Grimly
  • Animation : Brian Leif Hansen
  • Marionnettiste : Georgina Hayns
  • Musique : Alexandre Desplat, Guillermo del Toro, Katz
  • Durée : 1 h 57

 

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