Synopsis : Réunis dans un lugubre bâtiment désaffecté pour le tournage d’un film de zombies, des comédiens s’ennuient ferme, peu aidés par une équipe technique démotivée. Mais, rapidement, le calme est perturbé par des événements pour le moins inquiétants : des zombies plus vrais que nature font irruption sur le plateau…
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“Rapide, pas cher et dans la moyenne”, c’est la devise de Rémi Bouillon qui vient d’être contacté pour tourner le remake d’un film d’horreur japonais. Accompagné de son équipe et de sa femme, il se lance dans un tournage chaotique où s’entrechoquent réel et fiction. Les vingt premières minutes sont si frémissantes de nullité qu’elles poussent presque à sortir de la salle. Faux sang, mauvais jeu d’acteurs poussé à l’extrême, caméra embarquée qui peine à tenir la route… Mais il faut absolument s’accrocher tel le cinéaste à son film, ne jamais cesser d’y croire pour accéder à la toute puissance de Coupez !. À l’arrivée de cette première course, Michel Hazanavicius détourne notre regard, joue avec notre perception pour nous offrir un making-off drôle, cruel et haletant. Présenté hors compétition en ouverture du festival de Cannes 2022, Coupez !, remake du film japonais Ne coupez pas ! de Shin’ichirô Ueda, sonde les méandres de la production consumériste d’un film court diffusé en direct sur les plateformes de streaming. Comment l’industrie du cinéma façonne la fabrication d’un film à l’aune de la surproduction ? Quelles sont les nouvelles contraintes et possibilités de la création aujourd’hui ? Et surtout, qu’est-ce que le talent ? Les deux personnages principaux, artistes désabusés, souffrent du syndrome de l’imposteur. Ce court-métrage s’offre comme la seule possibilité de pouvoir enfin briller aux yeux de leur fille. Romain Duris et Bérénice Bejo forment un couple touchant, qui révèle peu à peu toute la passion totale et destructrice qu’ils entretiennent pour le cinéma. Une histoire d’amour sublime, qui terrifie par sa beauté et sa radicalité.
Entre fond et forme, Michel Hazanavicius dénonce un système capitaliste complexe, une industrie cinématographique à la dérive, à la merci des nouvelles technologies et de l’annihilation de la pensée. Il multiplie les strates de réalité, entraînant le spectateur dans un tourbillon infernal. Impossible alors de déterminer ce qui est réel ou fictif : simulation de mort ou meurtre ? Véritable zombie ou maquillage ? Un vrai plaisir scopique qui nous rend actifs.
Le casting est en tout point réussi. Le casting porte les enjeux avec un souffle créateur inouïe, se délectant des ruptures de jeu, s’engageant avec fougue dans les propositions radicales de Michel Hazanavicius. Entre autres, Yoshiko Takehara est exceptionnelle, drôle et terrifiante avant même que le film ne le devienne. Romain Duris et Bérénice Bejo excellent dans l’incarnation de cette passion déjantée, tout comme Finnegan Oldfield et Matilda Lutz.
Michel Hazanavicius jongle avec les codes des films de zombies comme avec nos émotions qui vacillent du rire à la peur. On reconnaît le virus du spectaculaire Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho, mais surtout la nostalgie de la trilogie de Romero (La nuit des morts-vivants, Zombie, Le jour des morts-vivants). Avec Coupez !, Michel Hazanavicius signe un hommage vibrant au plaisir de fabriquer le cinéma de genre. Au courage de ceux qui croient au cinéma au point d’affronter leur médiocrité. À ceux qui sacrifient leur dignité et même leur humanité pour se livrer à cette dangereuse entreprise qu’est le cinéma.
Charline Curtelin
- COUPEZ !
- Diffusion : Depuis le 28 décembre 2022
- Chaîne / Plateforme : MyCanal
- Réalisation et scénario : Michel Hazanavicius
- Avec : Romain Duris, Bérénice Bejo, Finnegan Oldfield, Quentin Dupieux, Matilda Lutz, Yoshiko Takehara, Raïka Hazanavicius, Yumi Narita, Sébastien Chassagne, Simone Hazanavicius, Raphaël Quenard, Grégory Gadebois
- Production : Brahim Chioua, Michel Hazanavicius, Vincent Maraval, Noémie Devide, Alain De La Mata, John Penotti
- Photographie : Jonathan Ricquebourg
- Montage : Mickael Dumontier et Michel Hazanavicius
- Décors : Joan Le Boru
- Costumes : Virginie Montel
- Musique : Alexandre Desplat
- Distribution : Pan Distribution
- Durée : 1 h 51
- Sortie initiale en salle : 18 mai 2022