Synopsis : Les survivants des derniers meurtres de Ghostface, les sÅ“urs Samantha et Tara Carpenter et les jumeaux Chad et Mindy Meeks, quittent Woodsboro et entament un nouveau chapitre de leur vie à New York. Ils y sont à nouveau victimes d’une série de meurtres commis par un nouveau tueur.
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À peine plus d’un an après le carton du cinquième volet de Scream, la saga revient déjà hanter les salles obscures, avec une suite conçue par la même équipe créative. Si ce retour express n’a rien de bien étonnant d’un point de vue commercial, on pouvait être en droit de se demander si une telle précipitation ne risquait pas fatalement de desservir la qualité de ce Scream 6. La saga est pourtant coutumière de ces tournages éclairs. En témoigne la sortie de l’ambitieux Scream 2, moins d’un an après celle du premier épisode. En plus de se calquer sur le modèle scénaristique de cette première suite, et de lui emprunter certaines de ses thématiques, ce nouvel opus en reprend également la philosophie : faire « plus gros et plus fort ». Passé la traditionnelle scène d’ouverture, qui détourne ici intelligemment les attentes du spectateur et les clichés de la saga, le film ne perd pas son temps et enchaîne à un rythme effréné les scènes de meurtres et d’attaques plus efficaces les unes que les autres. Passé ce premier tiers, mené pied au plancher, la cadence ralentit fatalement et le long-métrage s’égare dans des réflexions méta et autres avalanches de références au cinéma d’horreur, certes emblématiques de la saga, mais qui semblent ici s’insérer au chausse-pied. À l’image de Scream 2 en son temps, l’indispensable personnage de geek, campé par Jasmin Savoy Brown, expose ainsi les règles et les codes d’une suite horrifique, soulignant que n’importe qui peut se cacher sous le masque du tueur et que personne n’est à l’abri de la « faucheuse ». Autant de promesses enthousiasmantes qui ne seront malheureusement jamais tenues, ni même subverties (exception faite d’un gag assez amusant autour de la décapitation) par des auteurs peu enclins, par manque de temps ou d’envie, à s’adonner à l’autoréflexion.
Là où le précédent Scream présentait un discours plutôt bancal sur l’omniprésence des franchises dans le monde du cinéma et sur la toxicité de certains fans, ce sixième opus s’avère bien plus premier degré dans son approche. Les scénaristes James Vanderbilt (Zodiac) et Guy Busick (Wedding Nightmare) semblent surtout avoir voulu se recentrer sur leurs deux héroïnes et le lien sororal qui les unit. Comme l’annonce le tueur dès la scène d’intro, le centre névralgique de cette histoire ne sera pas le cinéma d’horreur, mais bien une affaire de famille, qu’elle soit de sang ou de cœur.
Tous les personnages sont ainsi animés par leurs propres rapports à la notion de cellule familiale. Et si une telle motivation est attendue chez les héros, elle devient bien plus dérangeante lorsqu’elle est appliquée aux tueurs. Sans être une charge contre le modèle familial traditionnel, Scream 6 met en avant l’idée troublante que le mal peut finalement se cacher n’importe où, surtout là où on ne l’attend pas. Et si cette thématique est parfois poussée jusqu’au grotesque, notamment lors d’une résolution tirée par les cheveux, aux allures de « Santa Barbara du meurtre », elle a le mérite d’injecter un peu d’émotions à une franchise qui penchait de plus en plus dangereusement vers l’ironie stérile.
Plutôt versés dans le mélange comédie-horreur, à l’instar de leur sympathique mais inégal Wedding Nightmare, les deux réalisateurs Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett se sont cette fois décidé à livrer un film misant bien plus sur la tension que sur la dérision. Si on ne peut que regretter l’absence de risque ou d’originalité en ce qui concerne le choix des victimes, les meurtres en eux-mêmes sont particulièrement réussis, probablement les meilleurs de la franchise depuis le second opus.
En lieu et place du bain de sang hyperbolique annoncé par la promo du film, les duettistes ont surtout soigné chaque moment de bravoure, avec un certain sens du détail qui fait mal. En cadrant certains plans de blessures particulièrement douloureux, ou en accordant une place de choix au bruitage des coups portés, les metteurs en scène parviennent à rendre chaque mise à mort aussi unique que marquante.
L’iconique tueur a lui aussi bénéficié d’un traitement de choix. Arborant cette fois un masque craquelé, rappelant celui de Michael Myers dans les Halloween version Rob Zombie, ce nouveau Ghostface s’adapte parfaitement aux décors urbains du film, autre force indéniable de Scream 6. Jusqu’ici cantonnée à la banlieue, la saga profite d’un renouveau salvateur en se délocalisant dans les rues new-yorkaises.
Lorgnant du côté de Maniac Cop de William Lustig, Bettinelli-Olpin et Gillett exploitent les lieux caractéristiques de la grosse pomme pour orchestrer les scènes de tension. L’ambiance stressante du métro bondé, les ruelles sombres et les appartements exigus servent à merveille les différentes attaques, d’autant plus que les cinéastes ont grandement amélioré leur gestion de l’espace depuis leur précédente réalisation. À cet égard, l’attaque de l’épicerie au fusil à pompe, cadrée et découpée avec soin, est un pur moment de suspense, digne des meilleurs passages de la saga.
Pour ce genre de scène, et malgré tous ses défauts, Scream 6 s’élève sans peine au dessus du tout venant du cinéma horrifique, en plus d’être bien plus efficace que son prédécesseur. Les deux premiers films de Wes Craven ne sont certes pas près d’être détrônés, mais le jeu de massacre est suffisamment plaisant pour se laisser embarquer… avant d’attendre l’inévitable septième opus.
Timothée Giret
- SCREAM 6
- Diffusion : 8 mars 2023
- Réalisation : Matt Bettinelli-Olpin, Tyler Gillett
- Avec : Melissa Barrera, Jenna Ortega, Mason Gooding, Jasmin Savoy Brown, Courteney Cox, Hayden Panettiere, Jack Champion, Josh Segarra, Dermot Mulroney…
- Scénario : James Vanderbilt, Guy Busick
- Production :Â William Sherak, James Vanderbilt, Paul Neinstein
- Photographie :Â Brett Jutkiewicz
- Montage :Â Jay Prychidny
- Décors : Suzanne Cloutier
- Costumes : Avery Plewes
- Musique : Brian Tyler
- Distribution : Paramount Pictures
- Durée : 2 h 02